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Les détaillants traditionnels avaient commencé à souffrir bien avant la COVID-19, indique Chase Bethel, analyste du secteur des biens de consommation, Gestion d’actifs CIBC.

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« Les changements survenus dans le commerce de détail proviennent d’Amazon elle-même, avec ses propres avantages concurrentiels, mais aussi de l’effet qu’elle produit sur les consommateurs et sur les détaillants traditionnels. Ceux-ci ont dû s’adapter et investir pour demeurer concurrentiels, non seulement face à Amazon, mais aussi aux nouveaux détaillants en ligne qui leurs prennent des parts de marché sans subir les mêmes coûts de départ », analyse Chase Bethel.

L’expert paraphrase la firme Oliver Wyman selon laquelle Amazon s’apparente à un ours, et les nouveaux détaillants en ligne apparus dans son sillage sont ses oursons qui grignotent alentour. Les plateformes de commerce électronique comme la canadienne Shopify facilitent la croissance desdits oursons.

Cette invasion d’ursidés a poussé de nombreux détaillants traditionnels à mettre la clé sous la porte au fil des années 2010, et la crise de la-COVID 19, qui pousse massivement les consommateurs vers les achats en ligne, sera le coup de grâce pour beaucoup.

« De 2010 à 2015, on a vu environ 4 000 boutiques fermer chaque année en Amérique du Nord. Elles étaient 5 800 en 2018, puis 9 000 en 2019. La superficie s’est largement réduite en 2017 et 2018 avec la fermeture de nombreux magasins à rayons. Ensuite, on a vu davantage disparaître de petites boutiques, comme les accessoiristes et les chausseurs. Au fil de ces années, Amazon a radicalement transformé les attentes des consommateurs en matière de commodité, de délais et de coûts de livraison, et de retours », dit Chase Bethel.

Selon lui, les coûts des nouvelles politiques généreuses de retours de produit ont représenté un fardeau important pour les détaillants traditionnels, allant même jusqu’à les forcer à la cannibalisation entre produits.

« Certains se sont adaptés avec succès, comme Walmart, Best Buy, Nike ou Kering (qui exploite Gucci), pendant que d’autres rattrapent tranquillement leur retard initial, comme Target. Je ne crois pas que les boutiques traditionnelles sont mortes, mais les centres commerciaux de second et troisième ordre vont souffrir de plus en plus. Ça va mieux pour les détaillants situés hors des enceintes des centres commerciaux, comme les magasins à rabais TJX (qui exploite Marshall’s), TJ Maxx, Winners et HomeSense. D’autres comme Ross Stores et Burlington Stores ont des modèles d’affaires avantageux en partie grâce au fait qu’ils ne vendent rien en ligne. Enfin, les magasins à un dollar ont volé efficacement en-dessous des radars et continuent d’accroître leur présence malgré la croissance du commerce en ligne », observe Chase Bethel.

Quoi qu’il en soit, Amazon demeure l’ours en chef et devrait continuer de gagner en puissance, COVID-19 ou pas.

« Amazon est déterminée à capturer une part de plus importante des portefeuilles des consommateurs, et je pense qu’elle va continuer de mettre la barre plus haut pour les autres. J’entrevois une concurrence plus poussée d’Amazon sur le terrain des épiciers, et des innovations technologiques pour réduire encore les frictions dans les processus d’achat, qu’il s’agisse de reconnaissance vocale, de véhicules autonomes, d’apprentissage-machine ou de réalité augmentée. »

« La croissance des activités à forte marge d’Amazon, comme l’infonuagique et la publicité, va lui permettre d’investir encore dans le secteur du détail. Et l’entreprise a l’avantage d’avoir des actionnaires qui font confiance à sa stratégie d’essais et d’erreurs dans une vision à long terme. Beaucoup de détaillants traditionnels n’ont pas ce luxe », poursuit Chase Bethel.

Pour le moment, ceux-ci s’adaptent comme ils le peuvent, observe l’expert.

« On va de plus en plus voir les détaillants bâtir des écosystèmes avec de multiples points de contact, plutôt que de simplement répondre aux besoins transactionnels des consommateurs. Il se peut aussi que l’évolution du paysage politique américain débouche sur de nouvelles lois et règlements qui forceront Amazon à se diviser en plusieurs entités pour faciliter la concurrence des plus petits joueurs. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.