Femme ayant l'air découragée à la vue de son portefeuille vide, ses cartes de crédit et de la petite monnaie.
Photo : Doucefleur / iStock

La pandémie de 2020 a fait des ravages dans la vie de tous. Certains en ont ressenti les répercussions plus que d’autres, notamment du côté financier. La protection de l’argent de vos clients est aussi votre affaire.

Le taux de chômage au Canada a grimpé en flèche de 5,2 points de pourcentage en avril pour atteindre 13,0 %, après une augmentation de 2,2 % en mars, selon Statistique Canada. Le taux de chômage d’avril est de 17,8 % une fois les données ajustées pour prendre en compte les personnes qui n’ont pas été considérées comme des chômeurs pour des raisons propres à la crise économique liée à la COVID-19, par exemple les travailleurs mis à pied temporairement.

L’emploi a reculé dans toutes les provinces pour un deuxième mois consécutif. Comparativement à février, il a diminué partout de plus de 10 % en avril. Le Québec a enregistré la baisse le plus prononcée (-18,7 % ou -821 000 emplois). C’est à Montréal que les effets se sont le plus fait sentir (-18,0 %, ou -404 000), suivie de Vancouver (-17,4 %, ou -256 000) et Toronto (-15,2%, ou -539 000), selon Statistique Canada.

Dans les conditions actuelles, il y a un grand nombre de personnes en difficulté financière. Connaître leurs droits et obligations et se protéger deviennent une question de survie. Voici les façons dont ils peuvent se prémunir des créanciers, mettre leurs biens saisissables et insaisissables à l’abri et, si rien ne fonctionne, considérer la faillite.

PROPRIÉTAIRES D’ENTREPRISE

Une protection contre les créanciers doit être amorcée lorsque l’entreprise est solvable et que les dettes peuvent être payées à leur échéance. Dans de tels cas, il est généralement légal de structurer l’entreprise afin de minimiser la responsabilité personnelle du propriétaire avant que des problèmes surviennent. Si on tente de le faire lorsque les créanciers frappent à la porte, il est peut-être trop tard. Les tribunaux refusent généralement cette protection si elle a été mise en œuvre dans le but d’entraver les créanciers existants.

Il existe plusieurs techniques qui peuvent aider à protéger les actifs de la compagnie.

1- Incorporer l’entreprise. Une entreprise constituée en société est une entité juridique distincte de son propriétaire, ce qui signifie que ses actifs personnels sont protégés des créanciers dans la plupart des cas.

2- Créer une société de portefeuille (holding). Traditionnellement, une structure d’entreprise simple qui facilite la protection contre des créanciers implique le recours à une telle stratégie. Les bénéfices de la société exploitante sont versés sous forme de dividende à la société de portefeuille, et l’argent provenant du dividende peut être prêté à la société exploitante sur une base garantie.

Si les actionnaires eux-mêmes sont à risque de réclamations des créanciers, les actions de la société de portefeuille peuvent être transférées à des membres de la famille pour obtenir une couche supplémentaire de protection. Sachez qu’en vertu des nouvelles règles concernant l’impôt sur le revenu fractionné, l’extraction de fonds (capital stripping) de sociétés peut avoir des conséquences fiscales supplémentaires.

3- Accorder des prêts garantis d’actionnaires à l’entreprise. Cette stratégie garantira les droits de l’actionnaire propriétaire en tant que créancier en cas de difficultés financières de l’entreprise.

4- Connaître ses obligations en tant qu’administrateur de sociétés. Celui-ci peut être tenu personnellement responsable si une entreprise omet de verser la TPS/TVQ, la taxe de vente au détail, les retenues à la source sur la paie et les primes d’indemnisation des accidents du travail (CNESST au Québec).

Il peut également être tenu responsable de la négligence grave en matière de sécurité au travail, du non-respect des lois environnementales et de tout manquement au paiement de salaires, de vacances, de primes et d’indemnités de départ. Seule une défense de diligence raisonnable en protégera un administrateur, c’est-à-dire qu’il doit avoir pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction et fait tout le nécessaire au bon fonctionnement des mesures préventives.

5- Éviter de donner des garanties personnelles. L’une des principales raisons de l’incorporation est de séparer les actifs et les passifs de l’actionnaire de ceux de son entreprise. La signature d’une garantie personnelle met en péril cet objectif.

6- Transférer la propriété de ses biens personnels à son conjoint ou ses enfants adultes. Les créanciers ne pourront attaquer ni les biens du conjoint ni des enfants à condition qu’ils ne soient pas un constituant de la dette ni un administrateur de l’entreprise. Méfiez-vous des conséquences fiscales de cette stratégie pour le cédant, les règles d’attribution s’appliquent.

7- Créer une fiducie familiale entre vifs. Une fiducie est une entité juridique distincte et peut constituer une couche de protection supplémentaire contre les créanciers, même s’ils peuvent toujours demander une ordonnance du tribunal pour en réclamer les actifs. L’accès aux actifs d’une fiducie est plus difficile que celui aux actifs personnels.

8- Cotiser à un REER de conjoint. Bien que les REER soient protégés des créanciers, les cotisations des 12 derniers mois ne le sont pas. Un REER de conjoint appartient au conjoint, même si le propriétaire d’entreprise bénéficie de la déduction fiscale.

9- Investir dans des produits d’investissement et de retraite par des compagnies d’assurance. Si le conjoint, les parents ou les enfants sont désignés comme bénéficiaires irrévocables, les investissements sont protégés des créanciers.

10- Créer pour soi-même un régime de retraite individuel (RRI) ou une convention de retraite. Ils sont destinés aux propriétaires d’entreprise à revenu élevé. Pour le RRI, il faut avoir 40 ans ou plus et gagner au moins 100 000 $. Ces régimes sont protégés contre les créanciers.

TYPES DE SAISIES

Avant de procéder à une saisie, la personne ou l’entreprise à qui votre client doit de l’argent doit obtenir un jugement du tribunal. Il doit respecter ce jugement et payer sa dette. S’il ne le fait pas, selon le montant dû, le créancier pourrait saisir son salaire, ses meubles ou sa maison.

Saisie en mains tierces

La saisie en mains tierces est une procédure par laquelle un créancier saisit une somme ou des biens appartenant au débiteur qui sont entre les mains d’une autre personne. Il s’agit notamment :

  • Des revenus de travail du débiteur;
  • de l’argent ou des placements que le débiteur a déposés à la banque ou à la caisse;
  • des sommes qu’une autre personne doit au débiteur;
  • des valeurs mobilières et immobilières (par exemple, les actions d’une compagnie) que le débiteur détient.

L’exemple le plus fréquent est la saisie d’une partie du salaire du débiteur par l’intermédiaire de son employeur.

Saisie mobilière

Lors d’une saisie mobilière, le créancier saisit des biens meubles appartiennent au débiteur en vue de les vendre. Cette saisie est effectuée par un huissier au moment de la signification de l’avis d’exécution au débiteur. Avant de procéder, le huissier doit lire l’ordre de saisie au débiteur et lui réclamer le paiement de la dette.

S’il acquitte son arriéré, la procédure prend fin. Il peut alors conserver ses biens meubles.

Saisie immobilière

La saisie immobilière est la procédure par laquelle un créancier saisit un immeuble qui appartient au débiteur en vue de le vendre. Cette saisie est effectuée par un huissier. Ce dernier doit d’abord lire l’ordre de saisie au débiteur et lui remettre l’avis d’exécution.

Le débiteur a la garde de l’immeuble jusqu’à ce qu’il soit vendu. Il ne peut ni le céder ni le détériorer. Cependant, il peut le vendre à certaines conditions si sa demande est acceptée par le huissier responsable de la saisie.

Opposition à la saisie et à la vente

Une personne peut s’opposer à la saisie ou à la vente de ses biens et elle peut en demander l’annulation en tout ou en partie pour les motifs suivants :

  • la saisie comporte une irrégularité qui cause un préjudice au débiteur;
  • les biens sont insaisissables;
  • le débiteur a remboursé sa dette.

Si des biens saisis n’appartiennent pas au débiteur, le propriétaire peut faire opposition afin de les soustraire à la saisie, selon le ministère de la Justice du Québec.

REVENUS PROTÉGÉS LORS D’UNE SAISIE

En général, les montants ou les revenus suivants sont insaisissables :

  • les sommes reçues à titre de pension alimentaire pour enfants;
  • les contributions de l’employeur à une caisse de retraite, d’assurance ou de sécurité sociale;
  • la pension alimentaire déclarée insaisissable;
  • les compensations monétaires pour les frais et pertes liés à un préjudice physique ou moral et versées en exécution d’un jugement ou dans le cadre d’un régime public d’indemnisation;
  • la valeur de la nourriture et du logement fournis ou payés par l’employeur à l’occasion de déplacements effectués dans l’exercice des fonctions.

Sachez qu’une partie du revenu brut demeure insaisissable selon le nombre de personnes à charge.

BIENS MEUBLES INSAISISSABLES

Selon le ministère de la Justice du Québec, les biens suivants sont protégés et déclarés insaisissables au moment d’une saisie mobilière :

  • la nourriture, les combustibles et les vêtements nécessaires à la vie du débiteur ainsi qu’à celle de sa famille;
  • les meubles de sa résidence principale qui servent à la vie quotidienne de sa famille et, le cas échéant, les objets personnels qu’il choisit de conserver, jusqu’à concurrence d’une valeur marchande de 7 000 $;
  • les instruments de travail nécessaires à l’exercice de sa profession;
  • les biens utilisés pour pallier un handicap ou soigner la maladie d’un membre de sa famille;
  • les animaux de compagnie;
  • les médailles et autres décorations de cette catégorie;
  • les objets servant au culte religieux.

LA FAILLITE

 Votre client ne peut faire faillite que s’il est insolvable. Il doit être dans la situation suivante :

  • avoir 1 000 $ ou plus de dettes;
  • vivre ou posséder une propriété au Canada;
  • ne pas déjà être en faillite;
  • être dans l’une de ces situations :
  • ne pas être en mesure, pour une raison ou une autre, de payer ses dettes à leur échéance;
  • avoir cessé de payer des dettes ou des factures mensuelles (électricité, télécommunications, solde de carte de crédit, etc.);
  • la valeur de tous ses actifs est inférieure à la valeur de tous ses passifs.

Quelles sont les dettes incluses dans la faillite?

La plupart des dettes peuvent être effacées par une faillite :

  • soldes de cartes de crédit non payés;
  • dette de ligne de crédit;
  • prêts personnels;
  • impôts dus;
  • dettes envers les agences de recouvrement;
  • prêts étudiants, dans certains cas.

D’autres ne peuvent pas être incluses dans la faillite. Cela signifie que les créanciers pourraient tout de même réclamer cet argent. C’est le cas de :

  • pension alimentaire à un ex-conjoint ou pour enfants;
  • amendes, pénalités, dédommagements ou autres ordonnances similaires prononcées par un tribunal;
  • dettes découlant d’une décision de justice civile ordonnant le paiement d’argent pour agression sexuelle causant des blessures ou la mort;
  • dettes résultant de fraudes, fausses déclarations ou actes illégaux;
  • argent qu’un créancier n’a pas pu récupérer parce que votre client n’a pas dit au syndic qu’il devait ce montant;
  • prêts étudiants, si la faillite s’est produite dans les sept ans suivant la date à laquelle on a cessé d’être étudiant à temps plein ou à temps partiel. Dans certains cas rares, un juge peut réduire cette période à cinq ans s’il est convaincu que votre client a fait un effort pour payer et qu’il sera incapable de rembourser la dette plus tard.

OBLIGATIONS FISCALES EN CAS DE FAILLITE

Toute personne qui a fait faillite doit remplir deux déclarations de revenus pour l’année de la faillite, soit pour les deux périodes suivantes :

  • du 1er janvier jusqu’à la veille de la date de la faillite;
  • de la date de la faillite jusqu’au 31 décembre.

Les deux déclarations doivent être produites au plus tard le 30 avril (ou le 15 juin si votre client ou son conjoint exploite une entreprise).

Lorsque l’on fait faillite, le syndic devient l’administrateur des biens et actifs. Un de ses rôles est de les liquider et de placer les fonds en entier en fiducie au bénéfice des créanciers. Si une déclaration de revenus et de prestations devait être produite pour l’année précédant celle de la faillite et que cela n’a pas été fait, le syndic devra immédiatement en produire une au nom de votre client.

Le syndic doit aussi produire une déclaration de revenus et de prestations couvrant la période du 1er janvier jusqu’au jour précédant la date de la faillite. On l’appelle la déclaration pré-faillite.

« Le syndic pourra également produire une déclaration en-faillite afin de faire état des revenus générés par la liquidation d’actifs (par exemple, des REER) ou d’entreprises qu’il a réalisés au bénéfice des créanciers », peut-on lire sur le site web de l’Agence du revenu du Canada.

Selon Revenu Québec, le syndic devra aussi produire des déclarations pour les années qui suivront la faillite afin de faire état des revenus provenant des opérations de la faillite (par exemple, dans le cas d’un retrait du REER ou pour déclarer des revenus de placement).

C’est la responsabilité de votre client de réaliser une déclaration de revenus et de prestations pour la période post-faillite, allant de la date de la faillite au 31 décembre, si le syndic ne la produit pas en son nom.

ET SI L’EMPLOYEUR EST EN FAILLITE?

Le Programme de protection des salariés (PPS) prévoit le versement du salaire admissible impayé aux personnes dont l’employeur est en faillite ou fait l’objet d’une mise sous séquestre en vertu du paragraphe 243(2) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Dans le cas des faillites ou des mises sous séquestre en date du 27 février 2018 ou après, le paiement couvre les salaires admissibles jusqu’à un montant égal à 7 fois le maximum de la rémunération assurable en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (7 296,17 $ pour 2020).

Que faire si aucun syndic n’a été nommé pour la faillite de l’employeur? Si celui-ci n’a pas déclaré faillite ou fait l’objet d’une mise sous séquestre, mais n’a pas payé le salaire de ses employés, votre client n’est pas admissible au PPS. Toutefois, il peut demander de l’aide en vertu de la législation sur les normes du travail fédérales ou provinciales, selon Emploi et Développement social Canada .

Peu importe la situation, il existe des solutions et des mécanismes qui aident à se sortir des moments difficiles. Il est utile d’en connaître les règles et de pouvoir demander de l’aide lorsque le besoin s’en fait sentir.