Dans cette nouvelle série vidéo, des employés de différentes institutions financières dévoilent les coulisses de leur travail… et quelques détails sur leur employeur. Aujourd’hui : An-Lap Vo-Dignard, conseiller en placement à la Banque Nationale.

À 43 ans, An-Lap Vo-Dignard est conseiller en placement, gestionnaire de portefeuille et premier vice-président à la Banque Nationale. Passionné des statistiques sportives, il nous raconte son quotidien et sa vision du métier de conseiller.

Conseiller : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’être conseiller?

An-Lap Vo-Dignard : J’ai vu des films en finance! (Rires) Wall Street, avec Michael Douglas et Risky Business, avec Tom Cruise. Mais un jour, alors que je travaillais dans le domaine de l’hypothèque dans une autre banque, un conseiller en services financiers qui était venu visiter notre service m’a donné le goût de me lancer dans l’industrie.

C : À quoi ressemble une journée type pour vous?

AV : Quand on arrive le matin, on regarde ce qu’il se passe sur les marchés boursiers et on surveille tout ce qui pourrait les influencer. Un comité d’investissement se réunit chaque semaine pour déterminer à l’avance les données importantes à suivre : les taux d’intérêt de la Banque du Canada, ou le PIB par exemple. Ensuite, nous rencontrons des clients pour leur présenter notre travail, faire des révisions de compte ou de portefeuille. Aucun jour ne se ressemble et c’est ce que je trouve intéressant.

C : En finance, on répète souvent que les éléments ponctuels ne devraient pas changer la stratégie d’investissement, mais vous vous ajustez tout de même tous les jours?

AV : Il faut garder le plan de match à long terme; les choix sont souvent faits dans cette optique. Cependant, des événements sur le marché peuvent avoir des conséquences importantes : le géopolitique, par exemple avec l’élection de Donald Trump, la hausse des taux, qui peut avoir des répercussions sur les devises, etc. Il faut tout de même qu’on se tienne au courant en tant que conseillers.

C : Que faites-vous de votre propre argent? Avez-vous des placements? De l’épargne?

AV : Oui, j’ai des placements et de l’épargne. Je crois à l’adage « Manger sa propre soupe », donc on retrouve plusieurs des outils financiers utilisés par mes clients dans mon propre compte. Si je crois que c’est bon pour les clients, c’est bon pour moi.

C : Quels genres d’investissements, par exemple?

AV : Toutes sortes de placements : des fonds communs, des obligations structurées. Chacun a sa propre tolérance au risque, je n’ai pas forcément la même que celle des clients. Quand on doit tester des choses, je le fais dans mon propre compte et pas dans celui du client. Vendre à découvert, par exemple, demande une bonne tolérance au risque. J’ai trouvé ça trop stressant, donc je me suis dit que ce n’était pas fait pour plusieurs clients.

C : Qu’est-ce qui vous plaît le plus à la Banque Nationale?

AV : Ce que j’aime sincèrement, c’est que le siège social est à Montréal. Il y a beaucoup de ressources. On a directement accès aux dirigeants ou aux collègues. La proximité avec les divisions de recherche ou d’informatique fait que si l’on rencontre des problèmes, c’est plus facile. Si on croise tous les jours la personne au lunch, le problème va être réglé plus vite que si on attend un retour de courriel!

Pour avoir travaillé dans d’autres institutions, je citerais également les valeurs entrepreneuriales. On nous offre la liberté d’être entrepreneur, avec une certaine latitude tant que ça a du sens. J’ai fait des études aux HEC, donc dès mes débuts, j’avais une vision d’entreprise, celle d’offrir de la qualité, mais à un certain volume de clientèle. Aujourd’hui, nous sommes 12 dans l’équipe et nous sommes en train d’embaucher d’autres personnes.

C : Pouvez-vous nous raconter un bon souvenir de votre pratique?

AV : Au tout début de ma carrière, j’ai rencontré un client de 60 ans environ, avec énormément d’expérience dans les marchés boursiers. Il m’a confié des sommes très importantes qui faisaient doubler mon actif sous gestion. En matière de confiance en soi, c’était un beau coup.

C : Comment acquiert-on la confiance d’un client?

AV : Ce client m’avait posé beaucoup de questions techniques pour s’assurer de mes connaissances. De façon générale, les gens évaluent des choses qu’ils sont capables de mesurer. Je ne peux pas vraiment savoir si un médecin est bon, mais j’essaie de le savoir. Les gens jugent selon leurs valeurs, évaluent s’ils connectent personnellement avec le professionnel, au-delà des questions de placement. Ça me fait rire, mais il y a des clients qui regardent nos vêtements, la propreté de nos souliers… Autant d’indications qui, pour eux, déterminent si l’on est organisé, méticuleux, etc.

C : Comment bâtit-on sa clientèle quand on débute?

AV : Même si chacun doit agir selon ses forces, au départ, il est tout de même nécessaire de faire des cold calls, du démarchage, d’aller chercher des clients un par un. Pour ma part, j’ai développé un réseau de comptables, d’avocats, un cercle d’influence qui peut me référer des comptes plus importants, car ce type de clients-là ne vient pas par cold calls.

La pratique a changé par rapport à mes débuts. Il existe maintenant des listes qu’on n’a pas le droit de solliciter sous peine d’amendes. De nouveaux canaux ont aussi été créés : les médias sociaux, les courriels, etc.

C : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes conseillers qui débutent?

AV : Je leur dirais que ce sont les plus persévérants qui réussissent dans cette industrie. Si on se fait dire non, il faut avoir une certaine carapace et se rappeler ses bons coups.

J’adore le baseball. Un joueur est une vedette s’il peut frapper trois coups sur dix. Ça veut dire qu’il y a sept fois où il n’y parvient pas. Il faut apprendre des mauvais coups, puis les mettre de côté. Le hockeyeur Steve Yzerman dit que les meilleures équipes sont celles qui perdent en ayant tout donné et qui reviennent le lendemain pour un nouveau match, encore prêtes à tout donner. Ça fait mal quand on donne tout.

C : Quels défis vivez-vous au quotidien?

AV : Ils sont multiples. Si les marchés boursiers bougent, par exemple, il faut trouver une stratégie de placement pour la prochaine conjoncture économique. Il peut aussi s’agir de gérer les émotions de nos clients quand ça brasse.

Ce que j’apprécie, c’est que nous disposons de la structure et des outils de la Banque Nationale qui, de son côté, laisse libre cours à notre fibre entrepreneuriale. Ainsi, quand un défi se présente, on peut se servir des outils fournis, mais également amener nos propres solutions et en constater les répercussions immédiates.

C : Que dites-vous aux clients quand ça brasse?

AV : Chacun a sa philosophie de placement. Pour ma part, je crois que si les clients sont là pour qu’on les rende riches, ils ne sont pas nécessairement au bon endroit. Nous travaillons avec des gens qui ont un patrimoine important. Nous le protégeons, puis allons chercher du rendement. Pas l’inverse.

La gestion des risques est primordiale pour nous. Quand les clients sont inconfortables, on essaie de prévenir, pas de guérir. Comme un vaccin. On leur parle des fluctuations en dollars, pas en pourcentage. [Une perte de 2 000 $ est plus concrète qu’une baisse de 1 %, par exemple.] On obtient ainsi la vraie réaction des gens.

C : Avez-vous peur d’être remplacé par un robot?

AV : Je le vois comme un outil, pas une menace. Je pense qu’il peut rendre l’humain plus performant, mais je ne pense pas que les gens désirent passer complètement aux robots. Ils recherchent le contact humain. Pour nous qui sommes non seulement en gestion de portefeuille, mais aussi en gestion de patrimoine, c’est important. Sur la question de la gestion des émotions, les conseillers ne se sentent pas vraiment menacés. En revanche, il risque d’y avoir une épuration dans l’industrie si l’offre de service au client n’est pas à la hauteur.

C : Qu’est-ce que vous auriez fait si vous n’aviez pas été conseiller?

AV : J’aurais lancé ma propre entreprise. D’ailleurs, j’avais commencé avec des amis en sortant des HEC. Cela dit, mon vrai rêve aurait été d’être gérant d’une équipe de baseball… mais il n’y en a plus à Montréal! (Rires)

C : Avec vos amis, c’était quel type d’entreprise?

AV : Une entreprise… de lingerie! (Rires) La femme d’un de nos amis avait une cousine qui détenait plusieurs magasins au Costa Rica. Nous faisions de l’import-export. À l’époque, le taux de change n’était pas le même.

C : À quelle fourchette salariale un professionnel comme vous peut prétendre?

AV : D’un collègue à l’autre, c’est difficile de chiffrer précisément. Je ne vais pas répondre directement, mais je peux vous dire qu’à la Banque Nationale, nous ressemblons à des franchisés, c’est intéressant. Donc oui, nous sommes employés de la Banque Nationale, mais nous sommes aussi récompensés et encouragés si nous travaillons plus fort. La Banque est prête à partager sa croissance avec nous, mais c’est aussi à nous de déterminer notre paie.

C : Vous avez 13 trophées dans votre bureau…

AV : Oui (rires), en effet… On a remporté plusieurs prix, dont Meilleure équipe au Canada, au sein de la firme. L’un des prix dont on est le plus fiers est celui qui récompense les plus engagés dans la communauté. Pour nous, c’est important de redonner.

J’ai d’ailleurs entendu une bonne anecdote au sujet des récompenses. Le père du joueur de basketball Shaquille O’Neal faisait disparaître les trophées de son fils 48 heures après qu’il les ait obtenus. Quand son père était sur le point de mourir, Shaquille O’Neal lui a demandé pourquoi il faisait ça. Son père a répondu : « Je ne voulais pas que tu deviennes complaisant. Il fallait que tu ailles chercher le prochain. » J’aime ce concept.

C : Quelle est votre devise?

AV : J’ai entendu plusieurs personnes dire une phrase qui me parle beaucoup : « Je n’échoue jamais, soit je réussis, soit j’apprends. » Avec cette attitude et de la persévérance, je pense que les gens peuvent réussir dans n’importe quel domaine.

An-Lap Vo-Dignard a commencé sa carrière à la Banque de Montréal. Par la suite, il a été l’un des associés-investisseurs de la firme Primetime Investments. Il s’est joint à la Financière Banque Nationale (BN) il y a maintenant presque 20 ans. La BN lui a décerné les distinctions suivantes : Recrue de l’année (2001), Croissance de l’actif (2001, 2004 et 2005), Équipe de l’année (2012) et Responsabilité sociale (2008 et 2015).