Un père et son fils assis sur un canapé face à une tirelire brisée. Le fils a un marteau dans les mains.
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Votre client Pierre vous contacte, car il envisage d’ouvrir un compte dans lequel il souhaite déposer 30 000 $ à des fins d’investissement pour son fils Léo, cinq ans. Un ami lui aurait suggéré d’ouvrir un compte en fiducie informelle (ou in trust). Le compte serait donc au nom de Pierre en fiducie pour Léo.

Dans le but d’ouvrir le bon type de compte, vous devez confirmer qu’il ne s’agit pas d’un héritage en faveur de Léo, ni de sommes devant être conservées aux termes d’une fiducie entre vifs régie par acte de fiducie.

Pierre maximise le REEE de son fils et souhaite simplement mettre des fonds de côté pour éventuellement l’aider à acquérir une propriété ou se lancer en affaires quand il sera majeur.

Il désire cependant conserver le contrôle de l’argent au cas où il voudrait l’utiliser pour ses propres besoins, ou encore si Léo n’était pas suffisamment mature pour qu’on lui transfère les sommes le temps venu. En utilisant un tel compte, il pense de plus pouvoir fractionner ses revenus avec son fils.

Qu’il porte l’appellation « en fiducie », « en fiducie informelle », « en fidéicommis » ou « in trust », ce type de compte est utilisé depuis plusieurs années. Habituellement mis en place afin d’épargner pour des mineurs, il est populaire dû au fait qu’il est simple à ouvrir, moins coûteux qu’une véritable fiducie et semblerait, à première vue, moins complexe.

PAS SI SIMPLE 

Mais lorsqu’on y regarde de plus près, force est de constater que son utilisation entraîne certains problèmes juridiques et fiscaux et beaucoup de confusion.

En droit québécois, l’ouverture d’un compte avec la mention « en fiducie » n’a pas pour effet de créer une véritable fiducie, les conditions essentielles à sa constitution n’étant pas remplies1 . De plus, si Pierre n’a pas l’intention de se dessaisir des fonds en faveur de Léo, il semblerait bien qu’un tel compte demeure la propriété du parent qui l’a ouvert2 . Dans pareil cas, Pierre devrait être imposé sur les revenus et gains en capital générés sur les sommes investies3 .

Pourquoi alors parler de confusion? Parce que les institutions financières interprètent de différentes façons les règles et modalités régissant de tels comptes. Les conventions d’ouverture de compte et la documentation varient d’une firme à l’autre, tout comme les pratiques administratives quant à la propriété du compte, au numéro d’assurance sociale utilisé pour l’émission des feuillets fiscaux, à la remise ou non des fonds lorsque l’enfant aura 18 ans ou aux conséquences du décès du parent ou de l’enfant.

En droit civil, un compte in trust ouvert par Pierre demeurerait sa propriété. Mais comment concilier une telle affirmation si Pierre a attesté à l’ouverture du compte que la propriété des fonds est accordée de façon irrévocable au bénéficiaire, Léo? Comment alors prétendre que Léo n’aurait pas droit à la propriété des fonds dès l’âge de 18 ans?

DES OBSTACLES SUPPLÉMENTAIRES 

C’est possiblement à cause de cette confusion que certaines institutions financières hésitent à ouvrir de tels comptes au Québec. D’autres, au fil des ans, auraient changé leurs pratiques administratives en la matière. Difficile de s’y retrouver!

Imaginons maintenant les problèmes potentiels d’un client qui a ouvert pareil compte dans une institution financière et qui le transfère par la suite dans une autre ayant des pratiques administratives différentes4 .

Parfois, la confusion découle du fait que le mauvais type de compte a été ouvert au départ. Pensons au mineur qui a hérité aux termes d’une succession sans testament. Dans un tel cas, le compte aurait dû être ouvert au nom de l’enfant mineur ou de son tuteur avec la mention « en qualité de tuteur »5.

Sur le plan fiscal, compte tenu des différentes possibilités, difficile de dire qui devrait s’imposer dans toutes les situations. Sachez cependant que le titulaire du compte devrait voir à ce que les revenus et les gains en capital soient déclarés de la bonne façon selon les faits propres à sa situation, et ce, peu importe le numéro d’assurance sociale utilisé sur les feuillets fiscaux.

Pour éviter les mauvaises surprises, assurez-vous que votre client comprenne les modalités applicables avant d’ouvrir un tel compte et qu’elles soient en phase avec ses intentions.

Marie-Claude Riendeau, LL.B, D.D.N., M.Fisc., TEP, Pl. Fin., est conseillère principale, Fiscalité, retraite et succession, à Trust Banque Nationale.


1 Article 1260, Code civil du Québec
2 Mathieu c. Tardif, J.E. 97-1067
3 Si Pierre veut faire donation des sommes en faveur de Léo, le compte devrait être ouvert en utilisant la mention « en qualité de tuteur » et les règles de la tutelle au mineur s’appliqueraient. Pendant la minorité, les revenus générés seraient réattribués à Pierre en vertu des règles d’attribution.
4 Québec (Procureur général) c. Daoud, EYB 2008-131979
5 Article 1344, Code civil du Québec


• Ce texte est paru dans l’édition de septembre 2019 de Conseiller.
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