Voilier sur le point de se faire happer par une immense vague.

La crise du coronavirus en a fait voir de toutes les couleurs aux professionnels de l’industrie financière. Cependant, il est temps de tirer des leçons de cette période d’incertitude qu’ont été les trois derniers mois, afin de se préparer à l’éventualité d’une deuxième vague du virus et la récession économique qui l’accompagnerait.

Plusieurs experts s’accordent pour dire que les effets d’une reprise de la croissance des infections seraient moins prononcés que ceux de la première, et cela pour deux raisons particulières : la surprise est passée et les marchés s’attardent au long terme.

« La volatilité des cours boursiers est le résultat de l’émotion du marché, elle-même causée par une surprise par rapport aux attentes des investisseurs, explique Dominic Plante, vice-président et conseiller en placement à BMO Gestion privée. Les fluctuations extrêmes proviennent des évènements nouveaux. Ce qu’il est important de se rappeler, c’est que lorsque les marchés reculent de 25 ou 30 %, il y a de très bonnes occasions d’achat. »

Plusieurs gestionnaires prévoient une deuxième vague plus faible, qui ne donnerait pas lieu à une fermeture des économies de la même ampleur que la première. Sans effet de surprise et avec une crise moins importante, la plupart des investisseurs pourraient être rassurés.

« Nous avons regardé ce qui s’est passé lors de la première vague, qui se propageait de façon progressive à travers le monde, indique Éric Viveiros, gestionnaire de portefeuille chez Desjardins. Dernièrement, avec ce qui se passe dans certains pays d’Asie et d’Amérique du Sud, nous constatons qu’il y aura certainement des éclosions locales un peu partout, mais on ne sait pas s’il y aura une vague simultanée dans tous les pays. Ce n’est pas notre scénario principal. »

BIEN JOUER SES CARTES

M. Viveiros estime que les actifs financiers risqués ont eu de bons résultats depuis le 23 mars, autant les meilleures entreprises que les moins bonnes. Il est temps « d’enlever les mauvaises herbes », de réduire les positions plus risquées qui offrent un rendement peu satisfaisant et redistribuer les fonds dans les secteurs les plus performants, tels que l’alimentation et les technologies.

Il conseille aussi de s’assurer que la politique d’investissement des clients est toujours bien adaptée à leur situation et leurs objectifs. « Il ne faut pas oublier que les marchés financiers sont capables de faire abstraction de ce qui peut se passer à très court terme, donc ce qui arrivera lors de la reprise économique risque d’être différent de ce qui se déroule en Bourse », explique-t-il.

Antoine Chaume, conseiller en placement, conseiller en sécurité financière et planificateur financier chez Lafond+Associés, explique que le rééquilibrage des portefeuilles doit être le point central de toute analyse.

« Ce qui est clair, c’est que nous sommes dans une situation complètement inédite, note-t-il. Il y a encore beaucoup d’incertitude, autant du point de vue économique que du côté de la santé publique. Pour un gestionnaire de patrimoine, l’objectif actuel est de rester positionné de façon relativement défensive. Il faut aussi garder une certaine flexibilité pour pouvoir investir de façon stratégique en cas de rebond. »

Revoir les portefeuilles au fur et à mesure donne de la valeur ajoutée à l’investisseur, estime-t-il.

« Quelqu’un qui avait une approche équilibrée (50 % en actions et 50 % en revenu fixe) au début de l’année voyait son portefeuille complètement déséquilibré au 31 mars », déclare-t-il.

Certains titres ont en effet perdu beaucoup de valeur. Le rééquilibrage permet de vendre ceux qui ont augmenté et d’acheter plus de ceux qui ont baissé pour rétablir les cibles d’investissement. Et la valeur du compte croît lorsque les marchés reprennent à la hausse.

Il croit aussi qu’en cas de deuxième vague, les gouvernements ne prendront pas la décision de fermer l’économie, à la lumière de leur expérience précédente. « Les réactions sur le marché seront un peu plus mitigées. Il est très improbable que les pertes atteignent le niveau de mars. »

DES INVESTISSEMENTS SOLIDES

En temps de crise, les entreprises de qualité se démarquent. Il faut alors savoir repérer les bons investissements, tout en maintenant la répartition des actifs selon ce qui est adéquat pour chaque client.

Éric Viveiros préfère les compagnies où le niveau d’endettement est plus faible et le bilan est satisfaisant, avec des équipes de direction d’expérience.

« Parmi les industries les plus à risque, il y a celles des croisières et du divertissement, telles que les entreprises qui organisent des spectacles ou des évènements de sport, note-t-il. Les sociétés aériennes aussi; le nombre d’usagers qui transitent par les aéroports en ce moment a baissé de 80 % par rapport à l’an dernier. L’industrie de l’hôtellerie souffre également. L’arrêt a été drastique et la reprise sera très lente tant qu’il n’y a pas de remède efficace. »

« Nous prenons en compte divers scénarios économiques. Actuellement, nous continuons de penser que les actions vont relativement bien faire, mais qu’il faut être prudent dans la répartition des actifs et l’achat des titres, donc investir dans des entreprises solides, qui ont peu de dettes et qui génèrent des flux monétaires. On insiste aussi sur les sociétés qui payent des dividendes et qui ont un historique de croissance de ceux-ci », indique Dominic Plante.

À la suite du creux du mois de mars, ce dernier a acheté plus d’actions pour rééquilibrer les portefeuilles et profiter de la baisse des marchés. Du côté de la répartition d’actifs, il reste neutre quant aux actions, c’est-à-dire qu’il ne recommande ni la surpondération ni la sous-pondération.

LA COMMUNICATION EST LA CLÉ

Face à tant d’incertitude et d’inquiétude autour de la possibilité d’une deuxième vague, les professionnels de la finance soutiennent unanimement que le gros du travail est de bien communiquer avec ses clients. Un investisseur bien informé ne laissera pas ses émotions guider ses décisions. La présence et la proactivité du conseiller dans les moments critiques s’avèrent indispensables.

« Le fait de travailler avec plusieurs individus différents vous expose à diverses réactions, soutient Dominic Plante. Ce qui est important, c’est de savoir communiquer avec ses clients, d’être disponible pour eux et de savoir leur expliquer votre vision. Le travail doit aussi être fait avant, en ayant une politique de placement adaptée à l’investisseur. Si on comprend les besoins des clients en mettant l’accent sur une stratégie à long terme, on construit le portefeuille de la bonne façon, de sorte que lorsque survient une période volatile, on peut passer à travers sans devoir prendre de décision draconienne. »

Antoine Chaume rappelle l’importance d’être proactif plutôt que réactif. « Il ne faut pas laisser les émotions faire partie du processus décisionnel. »

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