Pour la plupart des employés, l’époque où il suffisait d’adhérer au régime de retraite à prestations déterminées de son employeur pour assurer sa sécurité financière à la retraite est bel et bien révolue. Dans les régimes à cotisation déterminée (CD), qui sont devenus la norme dans le secteur privé, les décisions d’investissement et de décaissement reposent entièrement sur les épaules des participants. Mais ceux-ci manquent cruellement de conseils financiers pour faire les bons choix.

« Il y a un manque criant de conseils aux participants dans les régimes de capitalisation, particulièrement pour le décaissement », confirme la consultante en régimes de retraite Michèle Frenette.

Devant la multitude de possibilités qui s’offrent à eux à l’aube de la retraite, les participants se sentent souvent perdus. Ils ont peur de faire des choix qui pourraient avoir des impacts désastreux sur leurs revenus futurs. « Lorsque les participants n’arrivent pas à obtenir du conseil dans le cadre de leur régime collectif à l’étape du décaissement, ils ont généralement tendance à transférer l’ensemble de leur actif accumulé à leur institution financière, ce qui n’est pas forcément la solution optimale pour eux », renchérit André Bilodeau, planificateur financier à Courtage Conseil Birar.

Jean Mailloux, planificateur financier et président d’Avantages GP3, une firme qui offre des services-conseils en avantages sociaux aux PME, se désole par ailleurs qu’autant d’actif sorte des régimes CD, alors que bon nombre d’entre eux offrent des produits de décaissement dont les frais de gestion sont inférieurs à ce que l’on peut retrouver dans le marché individuel.

Pour aider les participants à prendre les meilleures décisions possible, les fournisseurs de régimes de retraite ont aussi développé de nombreux outils en ligne, notamment des calculateurs. Bien qu’il s’agisse d’outils intéressants, estime M. Mailloux, leur utilisation demeure complexe pour de nombreux participants qui ont un faible niveau de littératie financière. Et en aucun cas ils ne remplacent une rencontre avec un conseiller.

Certains fournisseurs offrent également aux participants la possibilité de discuter avec leurs propres conseillers, souvent par l’entremise de centres d’appels. Mais selon André Bilodeau, le service offert est généralement peu personnalisé. « Ce n’est pas une mauvaise option, mais c’est certain que le conseil provenant du fournisseur ne sera jamais 100 % impartial. Il est là pour vendre ses propres produits », explique-t-il.

Le constat semble donc on ne peut plus clair : l’accès au conseil financier au sein des régimes de retraite collectifs doit être amélioré. Mais de nombreux obstacles se dressent devant la mise en place d’un service indépendant et personnalisé.

QUI VA PAYER?

Les coûts liés à l’offre de conseils financiers sont évidemment au centre des préoccupations. Car dans les régimes collectifs, les frais de gestion peu élevés sont une priorité, insiste Michèle Frenette.

« L’enjeu majeur est de savoir qui va payer pour les services des conseillers. Tout le monde s’entend sur leur importance, mais les marges sont déjà minces dans le secteur collectif », dit-elle.

Augmenter très légèrement les frais de gestion dans le but de constituer un fonds permettant à chacun des employés d’obtenir un « budget de planification financière » est donc une piste envisageable pour certains, comme Michèle Frenette et André Bilodeau.

Selon ce dernier, si les employeurs étaient prêts à débourser un peu pour du conseil indépendant, les participants auraient droit à une analyse personnalisée qui toucherait tous les volets de la planification financière.

Mais à défaut de rencontres individuelles, l’offre de séances d’information par petits groupes n’est pas une mauvaise idée non plus, indique-t-il. Il propose même une approche qui permettrait d’allier les deux types de soutien aux employés : « Par exemple, 10 ans avant la prise de la retraite, on organise quelques rencontres de groupe pour que les gens comprennent bien leur régime et les possibilités de décaissement. Puis, lorsqu’ils ne sont plus qu’à quelques années de la retraite, ils ont droit à des rencontres individuelles qui visent une planification personnalisée. On pourrait allouer un infime pourcentage de l’actif total du régime pour financer ces rencontres. »

QUI EST LE CLIENT?

Si André Bilodeau et Michèle Frenette sont d’avis que le marché du conseil indépendant aux participants dans les régimes de capitalisation gagnerait à être développé, Jean Mailloux juge de son côté qu’il peut être complexe, voire délicat, d’intégrer au sein des régimes des conseillers qui ont pour seul mandat d’offrir du conseil financier aux participants sans offrir des services-conseils à l’employeur concernant la gestion de ses régimes d’avantages sociaux.

« À mon avis, dans un contexte de régime collectif, le client ultime du conseiller, c’est l’employeur. Il faut donc s’assurer que le conseiller est le fournisseur de l’employeur en matière de services-conseils, pas celui de l’employé. Autrement, on commence à marcher sur des œufs », croit-il.

Selon lui, l’intégration d’un conseiller dont la tâche est spécifiquement de fournir des services aux employés ouvre la porte à la vente de produits, comme des REER individuels ou des produits d’assurance. Une éventualité qui n’est pas sans soulever certains enjeux éthiques pour l’employeur, qui se retrouverait alors à « offrir » de la clientèle aux conseillers.

« Cela dit, en soutenant les employés, on soutient les employeurs. Les conseillers en assurance et rentes collectives qui proposent des rencontres privées avec les employés de leurs clients ajoutent assurément de la valeur à leur offre de services », note Jean Mailloux.

Michèle Frennette estime quant à elle que conseiller un participant sur sa planification financière et conseiller une entreprise sur la gestion de ses régimes d’avantages sociaux sont des services très distincts qui n’ont pas à être nécessairement livrés par le même individu.

« Même si bien des conseillers possèdent plusieurs permis, il s’agit d’expertises et de spécialisations très différentes », affirme-t-elle.

QUI EST RESPONSABLE?

Au-delà des considérations de coûts et de conflits d’intérêts potentiels, de nombreux employeurs ont peur de potentiellement manquer à leur devoir fiduciaire s’ils offrent des séances avec des conseillers à leurs employés.

« La question de la responsabilité fiduciaire est centrale. Qui choisit le conseiller? Les promoteurs ne veulent pas être redevables des services prodigués par un conseiller externe », explique Michèle Frenette.

Selon elle, les législateurs devraient mettre en place un minimum de règles pour protéger les promoteurs contre les éventuelles poursuites des participants, qui pourraient être insatisfaits des services reçus de leur conseiller. « Je suis certaine que ça aiderait grandement à rendre plus accessible le conseil financier dans les régimes collectifs », mentionne-t-elle.

D’ici là, les employeurs qui ne souhaitent pas trop engager leur responsabilité peuvent toujours fournir un certain budget de planification financière à leurs participants et les référer à différentes ressources pour les aider à trouver un conseiller, comme l’Institut québécois de planification financière, note-t-elle.

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