Une femme exaspérée devant son ordinateur
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Pas facile de fermer un compte de crédit ouvert frauduleusement à son nom. Surtout si le compte a été ouvert dans une autre banque que celle avec laquelle on fait affaire. C’est le cas d’une victime du vol de données de Desjardins qui a raconté son histoire à Conseiller.

« Je l’ai su [que j’étais victime d’une fraude] quand Equifax m’a envoyé une confirmation par courriel que mon adresse avait été changée de Montréal pour quelque part dans la banlieue de Toronto. Ça m’a mis la puce à l’oreille », raconte Émilie*, une cliente de Desjardins victime de fraude d’identité.

« On ne m’a pas appelée [pour confirmer le changement d’adresse] », lâche-t-elle, encore ahurie par cette façon de faire d’Equifax. Ce message à la fois anodin dans son mode de transmission et lourd de conséquences s’il n’est pas reçu aurait très bien pu passer sous le radar et se retrouver dans ses pourriels. Mais Émilie n’a pas perdu de temps : elle a tout de suite signalé la fraude à TransUnion et Equifax, les deux agences d’évaluation du crédit, comme le suggère le Centre antifraude du Canada.

Si son expérience avec TransUnion a été « impeccable », elle ne fut pas aussi heureuse avec Equifax avec qui Émilie a eu maille à partir.

« Ça ne s’est vraiment pas bien passé avec Equifax », lance la jeune femme qui a demandé dès le départ qu’une alerte de fraude soit ajoutée à son dossier. Hélas, elle s’est heurtée au doute de l’agence. « Ils m’ont répondu que ce n’était peut-être pas une fraude même si je confirmais que ce n’était pas mon adresse », raconte Émilie.

UNE INTERVENTION DIVINE

Il a fallu l’intervention de deux avocats du service juridique de Desjardins pour qu’une alerte de fraude soit ajoutée à son dossier de crédit. C’est aussi grâce à leur intervention, en présence de la victime, que celle-ci a pu être mise au courant des activités frauduleuses dans son dossier.

« Sans les avocats de Desjardins, il y a des choses qu’Equifax ne m’aurait jamais dites, constate Émilie. C’était malaisant quand l’agent d’Equifax énumérait les enquêtes faites en mon nom, qu’il me demandait si j’en avais eu connaissance et qu’à chacune des enquêtes je répondais non », confie-t-elle.

« L’avocate n’était pas contente, ajoute-t-elle. À la fin, je lui ai dit : ‘Une chance que vous étiez là, je n’ai jamais réussi à avoir ces réponses-là toute seule!’ ». Ce à quoi l’avocate lui aurait répondu : « Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas la première fois que ça arrive ».

En effet, Desjardins ne se cache pas d’intervenir dans pareille situation. « Je peux vous confirmer que nos équipes interviennent fréquemment pour nos membres et clients actuels auprès des fraudes d’identité commises dans d’autres banques », nous rassure Chantal Corbeil, porte-parole du Mouvement.

UN CAS ISOLÉ?

Nous avons demandé à Equifax Canada s’il s’agissait de la procédure normale de devoir contacter l’avocat d’une institution financière pour signaler une fraude ou si c’était un cas isolé.

« Il s’agit d’un cas isolé, nous a affirmé l’agence. Le processus est habituellement simple et ne nécessite pas l’assistance d’un avocat. Equifax aide régulièrement les consommateurs à gérer les cas de fraude. »

Évoquant avoir « passé des heures » à attendre au téléphone pour parler à un agent, Émilie ne l’entend pas de cette oreille. « C’est là qu’avoir un avocat, c’est vraiment important parce qu’il a un lien direct avec Equifax. Il ne sera jamais mis en attente. Ça accélère beaucoup le processus. C’est vraiment ça qui m’a aidée. »

DUR, DUR DE FERMER UN COMPTE À LA TD

Si la plupart des demandes de crédit frauduleuses soumises au nom d’Émilie n’ont pas abouti, l’une d’elles a réussi à échapper aux mailles du filet. C’est à la Banque TD, avec laquelle elle ne fait pas affaire, qu’un fraudeur a réussi à ouvrir un compte de crédit. Bien que le compte ouvert au nom d’Émilie fût actif, celle-ci ne pouvait le fermer par téléphone, sous prétexte qu’elle n’était pas cliente chez TD.

La jeune femme a donc été contrainte de se déplacer en succursale, à plusieurs kilomètres de chez elle, en pleine pandémie, afin de fermer le compte ouvert en son nom, dans lequel des dépenses totalisant 34 000 $ avaient été effectuées en aussi peu que deux semaines. « Des dépenses chez Holt Renfrew, des endroits de luxe où je ne vais jamais. La personne s’était gâtée, précise la victime. Elle était allée dans le Vieux-Montréal, dans le Vieux-Québec, à Toronto ».

« Ce qui est compliqué avec TD c’est leur politique de se présenter en personne, explique Émilie. Quand j’y suis allée, ils m’ont dit qu’ils lançaient l’enquête, mais ils n’ont pas fermé le compte ». La jeune femme est restée sans nouvelles pendant près de deux mois, devant elle-même assurer le suivi. « Je continuais à les appeler, je leur demandais s’ils avaient des nouvelles, mais ils me disaient toujours : ‘On ne peut pas vous donner d’informations parce que vous n’êtes pas cliente chez nous. Il faut vous rendre en personne en succursale’ ».

Plus frustrant encore, quand Émilie appelait au service de la fraude de TD, on la renvoyait à la succursale où l’enquête avait été lancée, et à son tour la succursale la redirigeait au service de la fraude. « Ils jouaient au ping-pong entre eux, dit-elle. J’étais tombée dans une craque parce que je n’étais pas une cliente de TD alors qu’il y avait un compte ouvert à mon nom! »

Comment se fait-il qu’un fraudeur puisse ouvrir un compte de crédit en ligne, y effectuer des dépenses somptuaires au nom d’une autre personne, et qu’aucun mécanisme en place ne détecte d’activité suspecte? Et pourquoi la victime doit-elle se déplacer en succursale pour pouvoir fermer un compte ouvert frauduleusement?

« (…) Des mesures doivent être prises avant de fermer un compte qui aurait présumément été ouvert de manière frauduleuse, a simplement expliqué Fiona Hirst, Directrice principale, Affaires internes et publiques pour Groupe TD. Un demandeur est généralement tenu de se présenter en succursale afin que le personnel puisse confirmer son identité et obtenir une déclaration écrite et signée indiquant qu’il n’a pas participé à l’ouverture du compte », précise Mme Hirst.

« MA COTE DE CRÉDIT N’EST JAMAIS REMONTÉE »

Vous vous demandez si Émilie a toujours un compte ouvert à son nom à la Banque TD? Disons que pour s’extirper de cette situation, elle a dû se choquer « un peu » avec le gérant de la succursale, lui raconter des bobards concernant l’achat d’une maison, et que ce compte pouvait nuire à sa cote de crédit. Puis le résultat de l’enquête est annoncé : il y a eu fraude d’identité. « C’est là qu’ils ont fermé le compte ».

Si seulement l’histoire se terminait à ce moment précis…

« Il a fallu que je harcèle la succursale pour avoir une preuve écrite [que le compte était fermé] et que ça ne ferait pas de tache à mon dossier de crédit. Entre-temps, ma cote de crédit n’est jamais remontée », déplore la jeune femme qui reste toutefois confiante que les choses vont finir par revenir à la normale.

À la lumière de ces faits, Émilie estime que les institutions financières doivent s’ajuster devant la fraude liée au vol d’identité parce que ce n’est pas toujours à leurs clients que ça arrive. « C’est là que ça devient vraiment compliqué ».

Si elle trouve fâcheuse la perte de temps colossale que cette situation lui a occasionné, elle dit ne pas avoir de craintes quant aux conséquences liées au vol d’identité. « Ce qui me stresse à la limite, c’est peut-être l’infini de possibilités avec le vol d’identité. Ça peut prendre plusieurs formes et je ne les connais pas toutes ».

En conclusion, s’il vous arrive un jour d’être victime d’une fraude d’identité, qu’on a ouvert en votre nom un compte bancaire ou de crédit, autant que ce soit fait dans l’institution bancaire où vous faites normalement affaire. Sinon, prenez votre mal en patience ou mieux encore, prenez-vous un avocat.

*Prénom fictif, pour préserver son anonymat.