En proposant de fusionner ses activités avec celles de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM), l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) respecterait le cadre réglementaire québécois.

C’est ce qu’ont indiqué Andrew Kriegler, président et chef de la direction de l’OCRCVM, et Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le Québec​ et l’Atlantique du même organisme, en marge du dépôt d’un mémoire dans le cadre des consultations à venir sur le système canadien d’autoréglementation.

Dans ce document, l’OCRCVM propose essentiellement de fusionner au sein d’un seul organisme d’autoréglementation (OAR) les activités des deux régulateurs, tout en conservant les deux ensembles de règles actuels.

En entrevue avec Finance et Investissement, les dirigeants expliquent aussi les avantages de leur projet de regroupement, notamment la possibilité pour les courtiers en épargne collective d’offrir des fonds négociés en Bourse (FNB) ou des fonds négociés sur plateforme (FNP).

Finance et Investissement (FI) : Votre mémoire ne prévoit pas d’éléments spécifiques pour le Québec. Comment la fusion de l’OCRCVM et de l’ACFM cadrerait dans le système réglementaire québécois?

Andrew Kriegler (AK) : La consultation qui aura lieu par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) traite seulement de l’ACFM et de l’OCRCVM. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur ce sujet.

Cependant, le système d’OAR au Québec est différent, car l’ACFM n’est pas reconnu par l’Autorité des marchés financiers (AMF) au Québec. Nous pourrions discuter des mêmes sujets au Québec, mais c’est une discussion qui doit être faite au Québec.

Claudyne Bienvenu (CB) : Le Québec a toujours été différent. Même sur le plan de notre reconnaissance à titre d’OAR, celle-ci comporte des obligations distinctes qu’ailleurs au Canada. Ça n’a jamais créé un problème. On a toujours été capable de bien travailler et de les intégrer.

Actuellement, ce sont la Chambre de la sécurité financière (CSF) et l’AMF qui sont présentes. Nous avons des partenariats avec elles. L’entente de partage d’information que nous avons avec la CSF est parmi les premières ententes de ce type [que nous avons conclues], et on a toujours eu de très bonnes relations avec elle.

Marie Elaine Farley [la présidente et chef de la direction], son équipe et nous avons toujours eu à cœur la protection des investisseurs. On va parler avec elles et on va trouver des solutions pour s’assurer que l’information passe pour qu’on puisse offrir au Québec et ailleurs une protection importante pour chacun des investisseurs.

FI : Dans votre mémoire, vous indiquez que la fusion de l’ACFM et l’OCRCVM serait une première étape. Dans ce contexte, la CSF serait-elle intégrée au nouvel OAR?

CB : Non. Quand on parle de la première étape, on parle de différentes étapes pour se rendre à un organisme qui va réduire la duplication. À l’intérieur, on va avoir deux sections, qui seront essentiellement l’ACFM et l’OCRCVM, pour qu’il n’y ait pas de bris et de temps perdu à mettre en place de nouvelles règles. On veut quelque chose qui soit efficace et efficient. On a deux ensembles de règles, on va les garder.

La deuxième étape est de faciliter la capacité des firmes à transiter d’une plateforme à une autre. Elles vont pouvoir choisir celle sur laquelle elles veulent aller. Par la suite, nous voulons réduire les duplications du côté des formalités et des règles.

Pour ce qui est de la CSF, tout pont qu’on va pouvoir établir pour mieux travailler ensemble va être mis en place. Ça va venir du Québec. Si la CSF et l’AMF sont intéressées à travailler plus près de nous, nous sommes toujours ouverts.

FI : Est-ce que les courtiers en épargne collective du Québec devraient adopter la réglementation de l’ACFM si jamais l’AMF reconnaissait le nouvel OAR?

CB : Ce n’est pas à nous à répondre à cela, mais bien à l’AMF de le faire. Il y a eu une proposition semblable en 2010. Il n’y avait pas d’appétit à ce moment-là. On respecte cela.

FI: Le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) est une spécificité québécoise, qui compense en cas de fraude, alors que le Fonds canadien de protection des épargnants (FCPE) et la Corporation de protection des investisseurs (CPI) de l’ACFM indemnisent en cas de faillite du courtier. Qu’arriverait-il avec le FISF en cas de fusion? Est-ce qu’il y aurait une protection additionnelle au Québec ou un régime remplacerait un autre?

CB : Franchement, on ne s’est pas posé la question. Ce qu’on propose est de conserver les deux fonds : le FCPE et la CPI. Les deux visent la même chose : la protection en matière de faillite, qu’il y ait fraude ou pas. On n’a pas eu de discussion à l’interne sur un fonds [offrant une couverture] plus large.

FI : Est-ce que la nouvelle entité prévoit une fusion de ses activités avec celles de surveillance des dérivés cotés en Bourse faite par la Bourse de Montréal ?

AK : Non, non!

FI : Le réacheminement des commissions vers une société par actions détenue personnellement par un représentant est permis dans le cadre réglementaire de l’ACFM, mais pas dans celui de l’OCRCVM. Est-ce qu’à terme, vous seriez favorable à ce que l’on permette le réacheminement des commissions pour tous les représentants, y compris ceux qui sont actuellement réglementés par l’OCRCVM?

AK : C’est une question appropriée, mais elle doit être posée dans une prochaine étape. Comme pour les autres politiques, c’est important de se concerter pour que nous puissions créer une réponse cohérente. La première étape devrait être de fusionner les organismes et réduire le fardeau réglementaire qui n’est pas efficace.

FI : Êtes-vous en faveur de l’incorporation des conseillers en épargne collective et des conseillers en placement?

AK : C’est une question de loi, pas de réglementation. Nous répondrons à la question du partage des commissions dans une prochaine étape.

CB : On n’est pas contre du tout. En 2006, on a déjà déposé une proposition semblable. Notre impression était qu’il fallait peut-être changer les lois fiscales. Du côté de l’ACFM, il n’y aura pas de changement : les représentants peuvent continuer de s’incorporer. On en prend l’engagement dans le document. Pour ceux sur notre plateforme, c’est quelque chose qu’il faudra étudier.

Concernant les commissions de référencement, on va continuer de le [permettre] dans le cadre des réformes axées sur le client. On est favorable à cela, à la condition que les investisseurs soient au courant et soient informés, tel que le prévoit le Règlement 31-103, et qu’on en respecte les exigences avec une entente signée, notamment.

FI : Selon vous, quels éléments sont les plus inefficaces sur le plan du fardeau réglementaire et de la duplication et justifient la fusion?

AK : Considérons les trois types de firmes suivants. D’abord, celles qui ont un bras dans chaque OAR vont pouvoir consolider leurs activités et il y aura une réduction de la duplication du fardeau réglementaire en conséquence.

Ensuite, pour les courtiers actifs dans le secteur des fonds communs seulement, il sera possible d’augmenter le nombre de produits et services financiers qu’ils pourront offrir aux Canadiens, comme les FNB, d’une manière plus efficace qu’aujourd’hui. Ces firmes ne doivent pas changer leur modèle d’affaires. Nous ne voulons pas leur imposer un autre fardeau réglementaire.

Enfin, beaucoup de courtiers membres de l’OCRCVM veulent accroître leurs opérations avec des représentants qui travaillent seulement dans le monde des fonds communs. Aujourd’hui, c’est presque impossible de faire ça de manière efficiente.

CB : Le système actuel est très complexe. Il fait en sorte qu’il y a une brisure entre les besoins des clients et comment on peut y répondre. Par exemple, si vous avez un fonds commun de placement que vous souhaitez garder et, parallèlement, vous voulez une obligation, un FNB ou un FNP, vous devez avoir deux représentants et faire deux ouvertures de compte, car le système actuel est morcelé et ne le permet pas. Le nouveau modèle le permettrait avec plus d’aisance et d’agilité.

Notre objectif est que l’investisseur ait la capacité d’être servi en fonction de ses besoins familiaux et à différents âges.

FI : L’offre de FNB et de FNP est permise par les ACVM dans la mesure où ce sont des organismes de placement collectif. Pour des raisons technologiques, ces produits sont presque inaccessibles aux membres de l’ACFM. Pourquoi suggérez-vous une solution réglementaire à un problème technologique, sachant que des courtiers ont trouvé des solutions?

CB : Des solutions, il en existe en effet. Mais pourquoi n’y en a-t-il pas plus? Sur le plan technologique, si c’était si facile de vendre des FNB et des FNP, cette possibilité existerait déjà. Avec la proposition qu’on a sur la table, ça va être beaucoup plus simple. Elle va faciliter la voie et offrir des choix plus simples et moins onéreux aux firmes.

FI : Quelles sont les prochaines étapes pour que le projet devienne une réalité?

AK : C’est la publication du document de consultation des ACVM. Nous voulions déposer notre proposition avant afin que toutes les personnes intéressées puissent examiner la consultation des ACVM avec assez de contexte et avec notre point de vue. Je pense que notre proposition obtiendra beaucoup de soutien.

CB : Notre suggestion est pragmatique. En très peu de temps, on peut créer une structure qui va aller de l’avant et qui ne coûtera pas cher. C’est une bonne proposition. On va pouvoir vérifier si elle ira de l’avant et si oui, on va travailler main dans la main avec les ACVM et l’ACFM pour mettre en place rapidement une structure semblable.