shutter999 / 123RF

Pour les nombreux retraités qui craignent de survivre à leur épargne, la question du décaissement est tout aussi cruciale que complexe. Le Colloque retraite, investissement institutionnel et finances personnelles, qui s’est déroulé à Québec mardi, a offert une piste d’intérêt.

En effet, il existe une solution fort simple, mais malheureusement peu utilisée, qui pourrait leur éviter bien des soucis : retarder le versement de leurs prestations des régimes de retraite gouvernementaux.

Même si les Québécois ont la possibilité d’attendre l’âge de 70 ans avant de percevoir leurs prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ), pratiquement personne ne le fait. L’âge moyen du versement de la première rente tourne autour de 62 ans, alors qu’une très forte proportion de bénéficiaires en font la demande dès qu’ils le peuvent, à 60 ans. Cette réalité a d’ailleurs peu évolué au cours des 20 dernières années.

Or, à 60 ans, les prestations versées n’équivalent qu’à 16 % du revenu gagné en carrière, alors qu’à 65 ans, ce taux atteint 25 %. Les plus patients, qui attendent leur 70e anniversaire, ont pour leur part droit à un taux de remplacement de 35 %, et ce, jusqu’à leur décès.

« Il y a encore plusieurs mythes entourant le RRQ, beaucoup de gens sont réticents à attendre pour bénéficier d’une rente bonifiée. Ils considèrent que les cotisations qu’ils ont payées sont comme une taxe et qu’ils ont donc droit à leurs prestations tout de suite », observe Anne Rivard, conseillère au bureau de Québec de Conseillers TE.

Lors du Colloque retraite, investissement institutionnel et finances personnelles, qui s’est déroulé à Québec mardi, elle a expliqué qu’il y avait encore beaucoup de travail d’éducation et de communication à faire pour expliquer aux clients les bénéfices de retarder le versement des prestations.

« Lorsque les snowbirds revienent de Floride, on reçoit plein d’appels au sujet du RRQ. Les gens se parlent entre eux et se convainquent qu’ils se font avoir s’ils ne reçoivent pas leur rente à 60 ans », raconte-t-elle.

Dans certains cas, ce sont toutefois les conseillers eux-mêmes qui aiguillent mal leurs clients, a affirmé Marie-Josée Naud, conseillère syndicale à la FTQ, lors d’un panel plus tôt dans la journée. « Il y a encore trop de conseillers qui disent à leurs clients de prendre leur rente à 60 ans parce que c’est plus payant. Certains oublient que les pénalités sont beaucoup plus grandes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient autrefois. »

DISSIPER LES CRAINTES

René Beaudry, actuaire et associé chez Normandin Beaudry, abonde dans le même sens. Selon lui, le chiffre 65 est tellement fort qu’il est difficile pour les individus de concevoir qu’il peut être avantageux pour eux d’attendre à 70 ans avant de percevoir leur rente.

« Tout est une question de présentation et de communication. C’est un peu le même phénomène que les gens qui avaient peur de déposer de l’argent dans un guichet automatique parce qu’ils n’étaient pas sûr de pouvoir le récupérer! », image-t-il.

Selon un sondage d’Allianz, la pire crainte des retraités est de survivre à leur épargne (61 %), devant la peur de mourir (39 %). Dans ce contexte, retarder les versements du RRQ permet non seulement de rassurer les retraités, mais également de simplifier le processus de décaissement.

« Le système de retraite canadien, qui repose sur trois piliers, est l’un des meilleurs au monde. Le problème, c’est que les gens ne tirent pas profit de toute sa flexibilité. Le gouvernement offre déjà une assurance longévité, mais les gens ne le réalisent pas. », déplore René Beaudry.

En retardant les versements du RRQ et de la Sécurité de la Vieillesse à 70 ans, les retraités se garantissent un bon niveau de remplacement du revenu dans la deuxième partie de leur retraite. Le rôle de l’épargne personnelle, provenant de régimes CD ou de REER par exemple, est alors de fournir les revenus de retraite avant l’âge de 70 ans. « Le décaissement devient alors très simple. Il suffit de diviser les épargnes accumulées par le nombre d’année entre le début de la retraite et le début des prestations des régimes gouvernementaux », explique M. Beaudry.

L’actuaire souhaiterait d’ailleurs voir l’âge maximal pour demander les prestations du RRQ et de la SV passer à 75 ans.

TRAVAILLEUR ET RENTIER, MAUVAISE IDÉE?

Les données de Retraite Québec montrent que 72 % des personnes touchant des prestations du RRQ se disent retraitées. C’est donc dire qu’un nombre non négligeable de Québécois perçoivent leur rente même s’ils travaillent toujours.

« Si les gens travaillent encore le même nombre d’heures qu’avant, il n’y a généralement pas d’avantages à recevoir les prestations de la RRQ », souligne Nathalie Madore, de Retraite Québec. Continuer à travailler après l’âge « normal » de la retraite permet néanmoins aux Québécois de bonifier leur rente. Depuis 1998, les cotisations du RRQ sont en effet obligatoires pour tous les salariés, même si ceux-ci reçoivent des prestations du régime.

Des simulateurs sur le site de Retraite Québec peuvent aider les prestataires à déterminer quel est l’âge optimal pour commencer à toucher leurs prestations, ajoute-t-elle.