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Trois experts et professionnels de l’industrie ont pris la parole vendredi, à la Tribune de la presse, tout près de l’Assemblée nationale, pour contester le processus de consultation de la Commission parlementaire qui étudie le projet de loi 141.

Ils étaient trois à unir leurs voix pour protester : Alain Paquet, professeur titulaire de sciences économiques à l’École des sciences de la gestion de l’UQÀM et ancien ministre libéral délégué aux Finances, Me Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services Financiers et Bertrand Larocque, planificateur financier, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective à SFL Placement et administrateur de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF).

« Notre objectif était de rappeler que plusieurs experts et professionnels du conseil financier s’inquiètent des changements annoncés et déplorent de ne pouvoir présenter leurs observations dans un processus de consultation très court et auxquels seuls quelques invités peuvent participer », a soutenu Alain Paquet, lors d’une entrevue avec Conseiller réalisée moins d’une heure après le point de presse des trois porte-parole.

Le trio souhaite que le gouvernement prenne un temps d’arrêt dans l’étude du projet de loi, élargisse la consultation, voire mette sur pieds un comité d’experts indépendants pour en étudier la portée sur la sécurité financière et la protection des Québécois. Mais devant un gouvernement fermement décidé à aller de l’avant et pouvant compter sur l’appui des grandes institutions financières, dont Desjardins, n’est-il pas trop tard?

« En démocratie, il est toujours temps de considérer les arguments des uns et des autres et d’en débattre, croit Alain Paquet. Le gouvernement se doit de faire preuve d’ouverture d’esprit, car les inquiétudes sont réelles et fondées. »

CONSULTATION-ÉCLAIR

Le projet de loi 141 contient 700 articles, lesquels viennent modifier plusieurs lois. Il autorise la vente d’assurance en ligne avec très peu d’encadrement, en plus d’abolir la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l’assurance de dommages, dont les compétences seront, semble-t-il, transférées à l’Autorité des marchés financiers.

Le projet de loi modifie aussi selon Alain Paquet (et il n’est pas le seul) la nature même du conseil en autorisant n’importe qui à vendre ses conseils aux consommateurs, sans trop d’imputabilité et sans responsabilité professionnelle face aux consommateurs.

Des changements majeurs. Pourtant, la consultation, sur invitation seulement, n’aura duré que trois jours. Sur les 29 personnes ou organismes présents, seulement dix ont déposé un mémoire. Assez tout de même pour constater que les inquiétudes des trois porte-parole sont partagées par plusieurs organismes, dont Option consommateurs et la Coalition des associations de consommateurs du Québec.

À l’extérieur des consultations, le Barreau du Québec ou encore la Chambre des notaires ont aussi exprimé des réserves importantes. Même la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, a bloqué un temps le projet de loi en raison d’une protection du public jugée déficiente.

MIEUX PROTÉGÉS, VRAIMENT?

Alain Paquet ne comprend pas que l’on se contente d’un exercice aussi restreint pour un projet de loi d’une si grande portée. Il attend aussi toujours que le ministre des Finances, Carlos Leitao, explique clairement en quoi les Québécois seront mieux protégés avec ce projet de loi, dans un contexte de services financiers en plein évolution, ce dont lui-même doute fortement.

Il rappelle qu’en Europe, la tendance est plutôt au « physital », contraction des mots physique et digital. Il s’agit d’allier la puissance du Web à la proximité des conseillers professionnels bien humains. C’est à ces derniers que revient la responsabilité de cerner les besoin du client, d’identifier les produits adaptés à sa situation et de l’accompagner à long terme.

Le projet de loi 141 semble plutôt transférer ce fardeau sur les épaules des consommateurs, par exemple dans le cas d’une police d’assurance souscrite en ligne.

Pour Alain Paquet, il semble clair que l’ensemble du projet de loi est orienté de manière à favoriser les intérêts commerciaux des grandes institutions financières et des grands cabinets, au détriment de la protection des investisseurs et épargnants, notamment les plus petits. Il a profité du fait qu’il accompagnait Option consommateurs lors de la consultation pour rappeler que la concentration de la réglementation de l’ensemble du secteur financier québécois revenait à donner un mégaphone plus puissant aux gros joueurs pour influencer le gouvernement.

« Le projet de loi 141 nous ramène trente ans en arrière, alors que l’accent était placé sur la vente au détriment de l’intérêt et de la protection des consommateurs, c’est inacceptable », conclut-il.