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Alors que Carlos Leitao s’apprête à déposer un projet de loi qui pourrait bien sonner le glas de la Chambre de la sécurité financière (CSF), cette dernière a tenu à réitérer son importance jeudi, en marge de son assemblée générale annuelle.

L’occasion pour quelque 120 professionnels de l’industrie, réunis à Boucherville, de mettre en valeur les actions de l’organisme d’autoréglementation, à l’heure où les rumeurs sur son abolition dans le cadre de la nouvelle Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) se font de plus en plus insistantes.

Sous le thème « La santé financière, c’est notre affaire à tous », les participants à l’assemblée ont souligné « l’importance de protéger le modèle d’encadrement québécois, au sein duquel la Chambre joue un rôle essentiel, afin d’assurer la protection du public et maintenir la confiance des épargnants et investisseurs à l’endroit de l’industrie des services financiers », peut-on lire dans un communiqué de la CSF.

« IL EST PRIMORDIAL D’UNIR NOS VOIX »

« Dans le contexte où le ministre des Finances du Québec prépare une refonte en profondeur du modèle d’encadrement du secteur financier québécois, il est primordial que nous unissions nos voix pour faire valoir les forces indéniables de notre système et l’importante contribution de la CSF dans la protection du public », martèle sa présidente Marie Elaine Farley.

Un panel d’experts a été réuni lors de l’assemblée générale afin de « mieux comprendre les particularités du modèle québécois, le rôle majeur de la CSF dans ce système ainsi que les raisons qui en font une source d’inspiration pour d’autres juridictions canadiennes ». Celui-ci était composé de Robert Pouliot, cofondateur de la Coalition pour la protection des investisseurs, administrateur de la Fondation FAIR Canada et enseignant, de Fabien Major, associé principal et fondateur de Major Gestion Privée, et de Gino Savard, président des cabinets de services financiers MICA.

« Depuis près de 20 ans, le modèle d’encadrement de la Chambre a prouvé qu’il est efficace et il ne coûte rien à l’État québécois. Pourquoi s’évertuer à réparer quelque chose qui n’est pas brisé et qui fonctionne très bien? », a notamment demandé Gino Savard.

LA PARITÉ PARMI LES MEMBRES

L’assemblée a également été l’occasion pour la CSF de dévoiler son rapport annuel 2016 et de rappeler que l’exercice écoulé a été marqué par de nombreuses interventions publiques pour rappeler sa mission : protéger les consommateurs et encadrer les professionnels en services financiers. La Chambre a aussi participé à la consultation des Autorités canadiennes en valeurs mobilières sur les Propositions de rehaussement des obligations des conseillers, des courtiers et des représentants envers leurs clients (consultation 33-404), avec un intérêt d’autant plus grand que « plusieurs des règles applicables [aux] membres [de la Chambre] répondent déjà aux enjeux cernés par les ACVM » (voir encadré).

L’an dernier, l’organisme a en outre entrepris une tournée provinciale afin de rencontrer ses membres. Et il a continué de développer ses activités de formation continue grâce au lancement de son deuxième cours obligatoire en conformité, ProDéonto, destiné à « approfondir la compréhension des obligations déontologiques » des professionnels du secteur. Enfin, il a adopté une nouvelle stratégie de marque basée sur le concept de « santé financière », mettant ainsi en relief « le professionnalisme des membres qui ont le devoir de veiller aux meilleurs intérêts de leurs clients ».

On apprend également dans le rapport annuel que la CSF compte 32 000 membres, âgés de 45 ans en moyenne, répartis presque également entre hommes (50,5 %) et femmes (49,5 %), avec 86 % de francophones et 14 % d’anglophones. Un peu plus de la moitié des membres (50,8 %, soit 22 662 personnes) exercent dans le secteur du courtage en épargne collective, 29,8 % (13 310) dans celui de l’assurance de personnes, 10 % dans celui de la planification financière (4 439), 8,2 % dans celui de l’assurance collective de personnes (3 639) et 1,2 % s’occupent de courtage en plans de bourses d’études (556). À noter qu’un membre peut cumuler plusieurs disciplines ou catégories d’inscription.

QUI A PORTÉ PLAINTE L’AN DERNIER ET POURQUOI?

Par ailleurs, le rapport fournit de nombreuses données concernant les activités de la Chambre l’an dernier en matière disciplinaire. Ainsi, 554 demandes d’enquête ont été traitées et, après examen, 81 % d’entre elles (soit 449) ont mené à l’ouverture de dossiers, soit un nombre de cas légèrement supérieur à celui enregistré en 2015 (467). Au total, 61 % de ces dossiers concernaient l’assurance, 37 % portaient sur les valeurs mobilières et 2 % touchaient conjointement les deux domaines. À noter que 43 % des dossiers (194 sur 449) ont été ouverts à la demande de consommateurs, comparativement à 27 % en provenance de l’industrie (120) et 30 % de la syndique de la CSF (135).

L’infraction générale d’avoir fait défaut d’exercer ses activités avec intégrité, honnêteté, loyauté, compétence et professionnalisme a été relevée dans 13 % des demandes (73 cas sur 554). Pour ce qui est des infractions plus spécifiques, les plus souvent alléguées en 2016 ont été :

  • le non-respect de la procédure de remplacement (23 % des demandes, soit 129 cas)
  • la communication d’information incomplète, trompeuse ou mensongère (19 %, ou 107 cas)
  • la réalisation de transactions qui n’étaient pas dans l’intérêt de l’investisseur (12 %, ou 64 cas)
  • la contrefaçon de signatures ou de documents (9 % des demandes, ou 52 cas)
  • l’inexécution ou la mauvaise exécution du mandat confié par le client (9 %, ou 48 cas)
  • les pratiques commerciales non conformes (7 %, ou 39 cas)
  • les conflits d’intérêts ou le défaut de divulguer les liens d’affaires (6 %, ou 31 cas)
  • la vente ou l’offre de produits et services financiers sans détenir la certification requise (5 %, ou 30 cas)
  • l’inexécution ou mauvaise exécution de l’analyse des besoins financiers ou du profil d’investisseur (5 %, ou 29 cas)
  • l’appropriation de fonds (5 %, ou 27 cas).

DES ALLÉGATIONS AVÉRÉES DANS 56 % DES CAS

Au terme de ces 554 demandes d’enquêtes, 439 décisions ont été rendues l’an dernier. Globalement, 56 % des enquêtes ont conclu que les infractions alléguées étaient fondées et, dans ces cas, des mesures administratives ont été retenues ou des plaintes disciplinaires ont été déposées contre les représentants. En 2015 et 2016, respectivement 21 % et 17 % des décisions ont mené au dépôt de plaintes disciplinaires.

L’an dernier, 60 plaintes ont été déposées auprès du comité de discipline, pour un total de 197 chefs d’infraction. Toutes émanaient de la syndique de la Chambre. Treize concernaient le secteur du courtage en épargne collective ou en plans de bourses d’études, 40 avaient trait à celui de l’assurance de personnes ou de l’assurance collective de personnes et sept portaient sur une combinaison des deux.

LE COMITÉ DE DISCIPLINE A RENDU 80 DÉCISIONS

Enfin, le comité de discipline a rendu 80 décisions, représentant 232 chefs d’infraction. Parmi les 19 décisions sur culpabilité, quatre ont rejeté l’ensemble des chefs d’infraction contenus à la plainte (cinq en 2015), et deux ont rejeté un ou plusieurs des chefs (quatre en 2015).

Pour chaque chef d’infraction retenu, une sanction a été imposée, indique le rapport. Des sanctions de radiation ont ainsi été imposées à 37 représentants (le même nombre qu’en 2015) : 29 ont été radiés de façon temporaire pour une période variant d’un mois à 10 ans, tandis que huit ont été radiés de façon permanente. Ces proportions sont les mêmes qu’en 2015. En outre, le comité a recommandé le suivi de cinq formations (sept en 2015), et n’a émis aucune ordonnance de remboursement (une en 2015). En cours d’année, trois dossiers ont été portés en appel devant la cour du Québec, alors que quatre autres affaires ayant fait l’objet d’un appel se sont conclues.

La CSF opposée à une norme réglementaire pancanadienne

Profitant de la consultation menée l’an dernier par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières sur les Propositions de rehaussement des obligations des conseillers, des courtiers et des représentants envers leurs clients (consultation 33-404), la CSF a mis en avant les particularités du régime d’encadrement québécois, rappelant au passage que le devoir d’agir dans le meilleur intérêt de ses clients figure déjà dans le Code civil et dans le code de déontologie de la Chambre.

Comme « le cadre légal québécois assure déjà cette protection aux investisseurs », la Chambre a réitéré son opposition au projet des ACVM d’« instaurer, de l’Atlantique au Pacifique, une norme réglementaire uniforme ». Les Autorités « doivent tenir compte du droit civil québécois, celui-ci étant différent de la common law applicable ailleurs au Canada », souligne-t-elle, ajoutant qu’une refonte pancanadienne de la loi dans ce domaine constituerait un « exercice hasardeux » et ne protégerait pas mieux les consommateurs québécois.

La CSF a indiqué que le projet d’implanter une norme réglementaire à laquelle se grefferait un lot de règles risquerait de constituer un processus « lourd et rigide ». Par conséquent, elle préconise donc plutôt de maintenir une « culture de la conformité » qui impose aux conseillers « le devoir fiduciaire d’agir au mieux des intérêts du client en tout temps ».

Les nominations au conseil d’administration

Les membres du conseil d’administration de la CSF ont procédé à l’élection d’André Di Vita en tant que président du conseil d’administration. Il était premier vice-président du conseil depuis 2014.

Les postes de premier vice-président et de deuxième vice-président du conseil sont maintenant assumés respectivement par Gino Savard, administrateur depuis 2015, et Paulette Legault, administratrice indépendante depuis 2014, nommée par le ministre des Finances du Québec.

Le conseil a également annoncé l’arrivée de Jean Vachon, impliqué au sein de la CSF depuis 2014 comme membre du comité de vigie réglementaire, en tant que nouvel administrateur.