Devant la Commission des finances publiques, le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins Guy Cormier, a expliqué qu’il était urgent de légiférer afin de se doter des meilleurs standards internationaux en matière de régulation des marchés financiers.

Selon le Mouvement, il est primordial que le projet de loi soit adopté dès le printemps. M. Cormier estime que dix ans après la crise financière de 2008, le Québec a le devoir de se conformer aux nouvelles règles internationales, et rappelle que le Fonds monétaire international (FMI) sera au Canada et au Québec à des fins d’inspection cet automne et qu’il est impensable, selon lui, que l’arsenal législatif n’ait pas été mis aux normes d’ici là.

« Un rapport défavorable du FMI serait lourd de conséquences pour le secteur financier québécois en général et pour le Mouvement Desjardins en particulier, affirme-t-il. Ça aurait un impact sur la confiance des clients, mais aussi sur les agences de notation et sur les investisseurs dont notre santé dépend. »

M. Cormier est également revenu sur l’évolution rapide de l’industrie et salue le fait que le projet de loi en tienne compte. Selon lui, les consommateurs veulent aujourd’hui faire leurs transactions via internet et c’est aux institutions et à la législation de s’adapter.

« La réalité, c’est que chez Desjardins, en 2016, les transactions en ligne ont augmenté de 23 %, illustre-t-il. Six cents millions de transactions ont été passées via internet. Le Mouvement Desjardins a toujours su s’adapter à la réalité et c’est pour cela qu’il est encore là aujourd’hui. Il lui faut un cadre législatif qui lui permette de s’adapter. »

LES CONSOMMATEURS MIEUX PROTÉGÉS

M. Cormier note par ailleurs que contrairement à ce qu’il entend depuis le dépôt du projet de loi en octobre dernier, il ne lit nulle part dans le texte que dorénavant, n’importe qui pourrait conseiller ou vendre n’importe quoi.

« S’il y a besoin de clarification à ce sujet, M. le Ministre, qu’on les intègre dans le texte et qu’on arrête de parler de cela », demande-t-il.

Car il croit au contraire qu’en l’état actuel, le texte renforce la protection du consommateur.

« J’entends plein de chose à propos de la protection du consommateur depuis le début des audiences, indique Guy Cormier. C’est une préoccupation constante au Mouvement Desjardins. Mais quand je vois l’arrivée d’un Fonds d’indemnisation des services financiers qui va être parmi les plus complets et les plus généreux à travers le monde, la mise en place d’un comité consultatif de consommateurs pour pouvoir poser des questions et alimenter les réflexions, les nouvelles mesures anti-représailles pour les gens qui feraient des signalements et dénonceraient des comportements, et finalement qu’on confie à l’AMF un guichet unique en y intégrant les activités des chambres, il me semble qu’on pose les bons gestes pour protéger le consommateur. »

AGIR DE MANIÈRE GLOBALE

Même analyse du côté du Groupe de recherche en droit des services financiers de l’Université Laval, venu lui aussi appuyer le projet de loi 141. Il considère en effet que celui-ci ouvre des « avenues prometteuses en matière de protection du public ».

Par la voix de sa directrice, Raymonde Crête, le groupe salue l’abolition de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et le rapatriement de ses pouvoirs au sein de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et du Tribunal des marchés financiers (TMF), considérant que cette mesure enlèvera un peu de la confusion et de la lourdeur qui règnent actuellement autour de la réglementation, du fait du grand nombre d’acteurs.

Si Mme Crête admet que l’existence de la CSF puisse avoir quelques avantages, comme l’expertise qu’elle a acquise au cours de toutes ces années et la participation active des pairs en son sein, elle relève des faiblesses dans l’encadrement actuel. La compétence trop restreinte de la Chambre, qui ne peut agir que sur le plan des individus, à l’égard des seuls représentants, et non à l’encontre des entreprises de courtage et de leurs dirigeants, en est la principale.

« L’abolition de la CSF et le rapatriement de ses pouvoirs au sein de l’AMF et du TMF permettront d’agir de manière globale en ayant prise sur tous les acteurs du secteur de l’épargne collective », affirme-t-elle.

Le groupe ne croit pas que le projet de loi 141 réglera tous les problèmes liés à la multiplicité des organismes de régulation, mais qu’il fait un pas dans la bonne direction.

QUID DE L’OCRCVM?

C’est d’ailleurs un organisme d’autorégulation qui a par la suite ouvert les audiences de l’après-midi. L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a dit appuyer le PL 141, mais a livré un vibrant plaidoyer en faveur de l’encadrement par les pairs, sans toutefois se prononcer sur la disparition annoncée de la CSF.

Venu plaider sa cause devant la Commission des finances publiques, il a insisté sur l’efficience du système de régulation à deux branches, législatif d’une part, avec l’Autorité des marchés financiers, et d’autoréglementation de l’autre, avec des organismes comme l’OCRCVM, créés par l’industrie et rendant une justice de pairs.

« Nous avons un système de contrôle sophistiqué qui rejoint les résultats escomptés, affirme Claudyne Bienvenu, vice-présidente de l’Office pour le Québec et l’Atlantique. Nous avons atteint un équilibre entre protection des investisseurs et bon fonctionnement des marchés. »

Le président et chef de la direction de l’Office, Andrew J. Kriegler, a dit accueillir de manière favorable le projet de loi 141, soulignant notamment l’importance des futures mesures protégeant les personnes dénonçant des comportements inopportuns dans l’industrie. Il salue également la création du comité consultatif de consommateurs au sein de l’AMF.

Interrogée par le député caquiste François Bonnardel sur l’opportunité de préserver l’OCRCVM alors que deux autres organismes d’autoréglementation dont la CSF se verraient intégrés à l’AMF, Claudyne Bienvenu a fait valoir que ce serait à l’Autorité d’en décider.

« Nous n’avons pas été créés par une loi, explique-t-elle. Nous existons depuis 1917, de la volonté de l’industrie de se doter de valeurs et de normes communes. Nous avons été reconnus par l’AMF en 2004 et nous sommes, depuis, des collaborateurs. Notre régime ne change pas avec le projet de loi. Il revient à l’AMF de savoir si on continue ensemble ou non. »

Mme Bienvenu a par ailleurs affirmé ne pas avoir eu de discussions à ce sujet, ni avec l’Autorité ni avec le ministère.