denis0856 / 123RF

Même si tous les observateurs le qualifient de « petit », de « transition » ou de « préélectoral », le budget 2017-2018 du ministre des Finances québécois aura néanmoins un (très) léger impact pour vos clients.

Conseiller s’est entretenu avec Sylvain Moreau, associé fiscaliste chez Raymond Chabot Grant Thornton et Daniel Laverdière, directeur principal planification financière et service conseil à la Banque Nationale Gestion privée 1859.

Les deux spécialistes nous résument les quelques mesures de ce quatrième budget du ministre Carlos Leitão qui pourraient alléger le fardeau fiscal de M. et Mme Tout-le-Monde et soulager un peu leur portefeuille.

LÉGÈRE BAISSE D’IMPÔT POUR TOUS

Après deux ans de rigueur budgétaire, et à 18 mois des prochaines élections générales, le gouvernement a entrouvert les cordons de la bourse en introduisant une poignée de mesures destinées, notamment, à réduire le fardeau fiscal des classes moyennes, estiment en gros les deux analystes. « Un peu comme au fédéral la semaine dernière, il s’agit d’un petit budget avec très peu d’annonces percutantes, pas de création d’un CÉLI ou d’autres choses du genre, juste des petites affaires à gauche, à droite, et absolument rien de particulier qui concerne les conseillers », résume Daniel Laverdière. « Au risque de paraître plate, il n’y a rien qui concerne la profession », confirme Sylvain Moreau.

La « grande nouvelle », selon les deux analystes, c’est l’annonce d’une baisse d’impôt générale de 55 dollars qui concernera tous les contribuables imposables à compter de 2017-2018, et ce, « qu’ils soient riches ou même très riches, ou bien qu’ils soient pauvres », souligne Sylvain Moreau. Mais, ajoute-t-il, « on s’entend que 55 dollars de gagnés, ça ne permettra pas de faire un gros party! » « Avec ça, on pourra quand même s’offrir quelques cafés de dépanneur! », suggère à la blague Daniel Laverdière. Pour appliquer cette mesure, Québec a haussé de 11 635 à 14 890 dollars le montant personnel de base, soit le seuil de revenu à partir duquel un contribuable commence à payer de l’impôt.

ABOLITION DE LA CONTRIBUTION SANTÉ

La deuxième annonce importante, indiquent-ils, c’est que la cotisation santé est désormais abolie de façon rétroactive depuis le 1er janvier 2016. Autrement dit, à compter de cette date, les contribuables n’ont plus à payer les 175 dollars qui leur étaient jusqu’alors réclamés si leur revenu était égal ou inférieur à 134 095 dollars. Quant à ceux qui auraient déjà acquitté ce montant, le gouvernement s’est engagé à les rembourser sans qu’ils aient besoin d’effectuer la moindre démarche. Au total, les Québécois bénéficieront ainsi d’un remboursement de 473 millions de la cotisation santé payée en 2016, précise une note de Desjardins.

Cela dit, précise Sylvain Moreau, les contribuables les plus riches, c’est-à-dire ceux qui gagnent plus de 134 095 dollars, payeront encore 1 000 dollars de cotisation santé pour l’année fiscale 2016. Ce n’est qu’à partir de l’exercice fiscal 2017 que celle-ci sera définitivement supprimée pour tout le monde dans la province.

Cette mesure « inquiète d’ailleurs un peu » Daniel Laverdière. La raison? « À l’heure où le vieillissement de la population s’accélère – les plus de 65 ans représentent déjà environ 18 % de la population, et dans un avenir proche cette proportion atteindra 26 % –, les soins de santé, qui sont étroitement liés à l’âge, vont beaucoup augmenter. Et globalement, dans ce budget, je ne vois pas ce qui va permettre de faire face à cette situation », justifie-t-il.

PROLONGATION DU CRÉDIT RÉNOVERT

Québec a par ailleurs annoncé la prolongation d’une année du programme RénoVert, qui intéresse une partie importante de la population puisqu’il fournit une aide financière à tous les propriétaires qui ont recours aux services d’un entrepreneur reconnu pour effectuer des travaux de rénovation « écoresponsables » dans leur résidence principale ou une résidence secondaire habitable toute l’année. « Ça concerne par exemple les travaux d’isolation, de réfection du système de chauffage ou de la climatisation », précise Sylvain Moreau. Ce crédit, qui devait s’achever le 1er avril 2017, a été prolongé jusqu’au 31 mars 2018 (autrement dit, un proprio aura jusqu’à cette date pour conclure une entente avec un entrepreneur). À noter que les dépenses liées aux rénovations devront avoir été déboursées avant le 1er janvier 2019.

Rappelons que RénoVert est un crédit d’impôt de 20 % portant sur l’ensemble des dépenses admissibles à partir de 2 500 dollars et dans la limite maximale de 10 000 dollars. Son coût de prolongement est estimé à 167 millions.

NOUVEAU CRÉDIT REMBOURSABLE

Dernière nouveauté du budget 2017-2018, les propriétaires d’habitations « quatre saisons » qui ne sont pas encore raccordées à des réseaux d’égouts municipaux pourront se prévaloir d’un crédit d’impôt « pour installer ou remplacer une fosse septique ou, d’une manière générale, pour mettre aux normes leurs installations d’assainissement des eaux usées résidentielles », détaille Sylvain Moreau. Celui-ci précise que les travaux admissibles devront néanmoins porter exclusivement sur « la construction ou la rénovation d’installations permettant à un particulier de traiter les eaux usées ».

Ce crédit représentera 20 % de la totalité des dépenses engagées pour un maximum de 5 500 dollars, la première tranche de 2 500 dollars des travaux étant exclue. Selon Radio-Canada, Québec s’attend à ce que 32 000 particuliers profitent de la mesure au cours des cinq prochaines années, ce qui lui coûtera environ 65 millions de dollars.

5 M$ POUR LA CHAIRE DE RECHERCHE EN FISCALITÉ

Toujours dans le cadre du budget, le gouvernement a par ailleurs annoncé que la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke allait recevoir quatre millions de dollars au cours des cinq prochaines années, soit 800 000 dollars par an, indique Daniel Laverdière. « Il est donc assez probable que celle-ci pourrait aider le ministère des Finances à avoir des idées nouvelles pour revoir la fiscalité québécoise », estime-t-il.

Enfin, le nouveau budget prévoit la prolongation de la taxe compensatoire des institutions financières pour une durée de cinq ans. Les taux actuels de cette taxe devaient diminuer après le 31 mars 2017 et elle devait prendre fin le 31 mars 2019. Ses taux demeureront donc au niveau actuel jusqu’au 31 mars 2022, ce qui engendrera des revenus additionnels de plus de 1,3 milliard pour le gouvernement.

« On n’a pas vu de mesures particulière concernant les conseillers et leurs clients dans ce budget. En revanche, d’ici deux ou trois mois, peut-être en juin, il pourrait y avoir de grosses annonces au fédéral à propos de la fiscalité des particuliers et des sociétés. Lorsqu’elles seront faites, les professionnels qui donnent du conseil à des personnes incorporées, par exemple des médecins, devront se mettre à jour. Seraient concernés, notamment, les clients qui pratiquent le fractionnement du revenu avec des membres de leur famille ou qui profitent de déductions dans le cadre de leur petite entreprise, qui pourraient ne plus être admissibles à ce type de mesures. Et si cela se produit, le Québec suivra sans doute le fédéral dans cette direction », conclut Daniel Laverdière.

L’ACCAP SE DIT SATISFAITE

L’industrie des assurances de personnes s’est dite « heureuse de voir sa contribution de 5,5 milliards au PIB soulignée par le ministre des Finances ». Dans un communiqué émis mardi, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes affirme aussi se réjouir de l’annonce par Carlos Leitão « de la révision prochaine des lois encadrant le secteur de l’assurance et des services financiers, ainsi que celle de la création d’un Pôle d’excellence en technologie financière ».

L’ACCAP se félicite en outre de ce que « le Code civil du Québec sera modifié afin d’introduire l’interdiction partielle de céder une police d’assurance vie à des fins spéculatives » et affirme qu’elle offrira « sa collaboration pleine et entière pour que soit enfin limité ce type de commerce ». « Nous nous penchons depuis un certain temps sur les problèmes liés au rachat de polices d’assurance vie par des tiers. Au Québec, de tels rachats ne sont pas interdits. Si rien n’était fait, la province deviendrait la terre d’accueil de ce marché qui cible les personnes malades et vulnérables », met en garde l’Association.

MAIS LES AÎNÉS SONT DÉÇUS

Soulignant que le budget 2017-2018 présentait « bien peu de mesures concrètes destinées à améliorer la santé et la sécurité des personnes aînées », l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec a en revanche fait part de sa déception. Si l’AREQ « se réjouit de l’abolition de la taxe santé », elle rappelle toutefois que cette réduction rétroactive du fardeau fiscal des particuliers « a été rendue possible grâce aux coupures majeures effectuées au cours des dernières années dans les services publics, principalement dans le réseau de la santé ». Or, soutient-elle, « ces coupures ont encore aujourd’hui des conséquences concrètes pour des milliers de personnes aînées ».

Déjà échaudée par le projet gouvernemental de supprimer le crédit d’impôt en raison de l’âge, l’Association ne décolère pas. « Le gouvernement s’imagine peut-être que les personnes aînées, en recevant un chèque pour l’abolition de la taxe santé, oublieront qu’il leur est toujours aussi difficile d’avoir accès à un médecin ou de recevoir du soutien à domicile » dénonce-t-elle. « Et c’est sans compter que plusieurs cliniques médicales tentent encore, par des moyens détournés, de facturer des frais à leurs patients. On redonne d’une main ce qu’on a enlevé de l’autre », conclut l’AREQ.