Homme d'affaires se tenant debout devant un mur de points d'interrogation.
Photo : Daniil Peshkov / 123RF

J’ai cédé ma clientèle – mon « book » – en l’an de grâce 2013, à un conseiller dont l’âge était la moitié du mien. J’estime que j’en ai obtenu un juste prix.

Cette année-là, les Bourses fluctuaient normalement. Non, pas comme en août 2008, où elles se trouvaient au-dessus des écarts habituels. Non, pas comme en mars 2009, où elles se sont trop corrigées pour se retrouver sous les écarts habituels.

En 2019, les Bourses ont monté fort joliment pour atteindre un niveau élevé, mais pas déraisonnable à notre avis. En ce début 2020, patatras, COVID-19 et panique des spéculateurs inexpérimentés : inquiétude des investisseurs et une baisse boursière de 20 %. Cependant, sagesse des investisseurs à long terme car ils ne modifient pas la répartition de leurs actifs.

Et si cette volonté de céder ma clientèle s’était manifestée aujourd’hui, vaudrait-elle 20 % de moins?

Point de vue du vendeur : je ne vends pas maintenant, je prendrai ma retraite plus tard, lorsque les Bourses auront remonté. (Ou bien je panique et fais une vente de feu).

Point de vue de l’acheteur : splendide, j’achète, c’est le bon moment, c’est le temps des soldes!

Point de vue de l’évaluateur : le contexte suscite une réflexion, car la valeur d’une clientèle ne peut fluctuer autant à si court terme. Comment tenir compte des situations extrêmes dans un esprit de recherche de justesse, d’équilibre et de vision à long terme?

Imaginons le cas suivant. Le vendeur (qui a atteint 65 ans et peut-être en a marre des nouvelles exigences de la conformité) et l’acheteur (en plein développement de ses affaires) ont commencé à négocier le transfert de clientèle en octobre 2019. Les vérifications diligentes ont été faites. La rédaction du contrat est presque terminée en janvier 2020. Le financement de l’acheteur est confirmé. Les deux parties sont heureuses, il ne reste qu’à signer et à exécuter le transfert.

Février 2020 : la COVID-19 arrive! La Bourse n’est pas vaccinée et attrape le virus.

Elle chute alors de 20 %. L’actif sous gestion du vendeur baisse de 16 %, car il est composé de 80 % de fonds d’actions et de 20 % de fonds d’obligations.

L’acheteur veut en profiter. Le vendeur ne veut pas réduire le prix négocié.

Bref, une belle dispute se greffe sur un virus!

L’évaluateur a effectué un bon travail. Mais une donnée imprévue a brusquement changé le portrait. Que faire dans un tel cas, qui ne s’était jamais présenté avec autant d’acuité?

Notre réflexion a porté sur trois points principaux :

1) la variation de valeur, son amplitude, sa durée probable;
2) la création possible d’une période de révision du prix fixé;
3) les réactions possibles de fuite, à court terme, de clients paniqués.

EXAMINONS TOUT CELA

La brutale chute boursière a-t-elle changé quelque chose à la qualité de la clientèle? À notre avis, NON. Le potentiel de revenus récurrents, qui constitue la base d’une évaluation, reste pratiquement le même à long terme. Toutefois, ce n’est pas le cas à court terme, où ils seront amputés.

Par ailleurs, une période de crise peut provoquer quelques infidélités des clients les moins bien éduqués en finances personnelles et les amener à déserter.

En pratique, quelle méthode faut-il adopter pour éviter un affrontement sur l’évaluation?

Premier élément de réponse : au lieu de prendre une seule « photo » de l’actif sous gestion à un seul moment et des revenus récurrents d’une seule période, prenons six « photos » à trois mois d’intervalle et tirons-en une moyenne flottante. Ceci provoquerait un léger ajustement du prix final. Il est intéressant de constater que cet élément pourra jouer tant à baisse qu’à la hausse.

Second élément de réponse : allongeons la période d’application de la clause de rétention; rappelons qu’il s’agit de cette clause qui prévoit que la perte de clients dans un proche avenir (six mois par exemple) provoquera un ajustement à la baisse du prix final de transfert. Allongeons cette période de six mois à un an. Ceci réduira les craintes de l’acheteur quant à la fuite de clients en période de crise, comme celle que nous vivons actuellement.

Troisième élément de réponse : prévoyons une clause d’ajustement de prix en fonction des fluctuations boursières à venir, dans un avenir toutefois limité. Cela pourrait constituer un partage de risque futur entre l’acheteur et le vendeur.

Voici donc quelques possibilités pour « adoucir » la rigidité d’une évaluation en photo instantanée.

Une chute boursière ne devrait pas retarder un transfert de clientèle.

Un léger ajustement selon une méthode convenue permettra un accord final équilibré.