Un homme lance ses documents.
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Nous connaissons tous l’histoire de quelqu’un qui, exaspéré par son emploi, a pris ses cliques et ses claques et quitté sans avertissement. Mais ­est-ce légal?

Le ­Code civil du ­Québec prévoit qu’une des parties d’un contrat de travail à durée indéterminée peut y mettre fin, et ce, sans motif, à la condition toutefois de donner un délai de congé raisonnable à l’autre partie. Ceci fait en sorte qu’un salarié ne peut mettre fin à son emploi sans donner à celui qui l’a embauché un préavis raisonnable.

Cette obligation est inscrite à l’article 2091 du ­Code, lequel indique que :

« ­Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l’autre un délai de congé. [Ce dernier] doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail. »

La ­Loi sur les normes du travail n’oblige pas l’employé à donner un préavis. En effet, cette loi impose des obligations minimales à l’employeur et non au salarié.

QU’ENTEND-ON PAR « RAISONNABLE »?

L’évaluation de la raisonnabilité du délai de préavis se fera à la lumière d’un ensemble de faits, notamment la nature du poste occupé, le nombre d’années d’ancienneté, les circonstances de la terminaison de l’emploi, etc.

À titre d’exemple, dans l’affaire ­Traffic ­Tech inc. c. Kennel1, l’employeur et le travailleur étaient liés par un contrat à durée indéterminée depuis plus de 10 ans. ­Celui-ci occupait un poste de cadre intermédiaire pour lequel il était responsable de la gestion de deux groupes d’employés. Puisqu’il avait omis de donner un délai de congé raisonnable au moment de sa démission, le tribunal a octroyé à l’employeur une indemnité payable par le travailleur et représentant six semaines de son salaire brut.

Dans l’affaire ­Pharmacie ­Jean-Sébastien ­Blais inc. c. Pharmacie Éric ­Bergeron et ­André ­Vincent inc.2, la cour rappelle que « le but du ­délai-congé est de donner à l’employeur suffisamment de temps pour recruter et former [quelqu’un] pour remplacer le démissionnaire ou pour lui permettre de modifier ses manières de faire pour adapter l’exploitation de son entreprise au départ de cet employé ».

Nos tribunaux ont retenu que le démissionnaire sera tenu de réparer le préjudice causé par son défaut de donner un préavis raisonnable à son ancien employeur avant de mettre fin unilatéralement à son emploi. Ainsi, s’il ne donne pas de délai suffisant, cela peut ouvrir la porte à un recours en ­dommages-intérêts de la part de l’employeur à l’égard de son employé.

Les indemnités accordées à titre de dommages à l’­ex-employeur varient selon la situation particulière de chaque cas sous étude.

Dans l’affaire ­Corporation ­Tribospec c. Spartan ­Marketing ­Services ­Inc.3, le ­tribunal a notamment pris en considération les éléments suivants pour déterminer les ­dommages-intérêts octroyés à l’employeur :

  • L’embauche du travailleur avait fait l’objet d’une attention particulière. On misait beaucoup sur son expérience, ses connaissances du milieu et ses capacités.
  • L’emploi était un poste clé dans l’entreprise qu’on ne pouvait remplacer facilement.

La cour a déterminé que le travailleur aurait dû donner un délai de congé de six semaines. Il a donc dû payer une indemnité représentant six semaines de salaire. À cette somme s’est ajouté un montant de 1 000 $ représentant les coûts consacrés à son embauche.

Tout employeur devrait informer ses employés de l’obligation de donner un préavis de départ raisonnable et d’en prévoir le délai. À cet égard, il peut être inscrit dans une lettre d’embauche, un contrat de travail écrit ou le manuel de l’employé.

Me ­Maxime ­Alepin et
Me ­Chantal ­Paquet sont ­ avocats chez Alepin Gauthier.

Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.

1 2016 QCCS 355.
2 2016 QCCS 1306; 2018 QCCA 1895.
3 2006 QCCQ 5840.


• Ce texte est paru dans l’édition de février 2020 de Conseiller.
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