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Vos clients ­ont-ils un nombre restreint d’employés? Si tel est le cas, de nouvelles règles applicables aux sociétés dont l’année financière commence après le 1er janvier 2017 pourraient les toucher de plein fouet. Plus précisément, ces règles visent à empêcher que des entreprises ayant très peu d’employés puissent bénéficier de la déduction pour petite entreprise (DPE) de 3,8 %.

Si la société de votre client compte moins de 5 000 heures travaillées admissibles au cours d’une année, son taux d’impôt global pour 2017 sera fixé à 22,3 %, puisque la ­DPE ne peut être demandée dans ce cas. Pour les situations où l’entreprise compte plus de 5 000 heures travaillées, le pourcentage de ­DPE augmentera graduellement jusqu’à atteindre le maximum de 3,8 % à partir de 5 500 heures. Notez que d’autres règles peuvent s’appliquer aux entreprises de fabrication et transformation.

Ainsi, une société peut se qualifier pour bénéficier de la ­DPE maximale si elle compte au moins 5 500 heures travaillées et payées au cours de l’année ou encore au cours de l’année précédente.

Dans le deuxième cas, la société peut également considérer les employés des sociétés associées.

Afin de clarifier ces nouvelles règles, ­Revenu ­Québec a dû répondre à plusieurs questions sur le sujet lors du congrès 2016 de l’Association de planification fiscale et financière. Voici un petit compte rendu de ces précisions.

HEURES TRAVAILLÉES

Pour être admissibles, les heures doivent avoir été travaillées. Les semaines de vacances ou les congés de maladie, par exemple, ne peuvent être considérés. Par ailleurs, il ne serait également pas possible de tenir compte des heures payées de façon décalée.

Prenons l’exemple suivant : durant une période de 26 semaines (période occupée), une entreprise paie ses employés 35 heures semaine alors que ces derniers travaillent plutôt 45 heures. Durant le reste de l’année, les employés travaillent 25 heures par semaine et continuent de se faire payer pour 35 heures. Revenu ­Québec a mentionné que, dans une telle situation, il est nécessaire de tenir compte des heures réellement travaillées tout en considérant un maximum de 40 heures par semaine, peu importe le nombre d’heures rémunérées.

HEURES PAYÉES

De plus, seules les heures payées peuvent être considérées dans le calcul. Prenons un autre exemple : un employé d’ABC inc. désire prendre une année sabbatique. L’employeur offre de payer 80 % de son salaire annuel pendant cinq ans. L’employé en question travaillera à temps plein pendant quatre ans et pourra profiter d’un congé payé pour la cinquième année. Dans une telle situation, ­Revenu ­Québec a précisé que seules les heures réellement travaillées et payées seront considérées. Ainsi, pour les quatre premières années, 80 % des heures seront visées puisqu’il s’agirait alors des heures travaillées et payées. Pour la cinquième année, aucune heure ne pourra être considérée, car cet employé n’aura pas été présent au travail.

ACTIONNAIRES

Afin de conserver la latitude concernant le mode de rémunération souhaité, ­Revenu ­Québec a accepté de tenir compte du fait que les actionnaires de petites entreprises ont le choix de se rémunérer sous forme de dividende ou de salaire.

Il est donc possible de considérer un maximum de 40 heures travaillées par semaine par actionnaire de la société, et ce, pour un total de 2 080 heures par année. Il est à noter que, si une société de gestion est actionnaire d’une société active, l’actionnaire de la société de gestion pourra être considéré dans le calcul du nombre d’heures travaillées de la société active, et ce, de la même façon que l’actionnaire direct.

Concernant les caractéristiques des actions visées par cette règle, ­Revenu ­Québec a précisé que les actions en question n’ont pas besoin de posséder de caractéristiques précises. Tous les actionnaires, qu’ils possèdent des actions votantes ou non, participantes ou non, pourront être considérés.

SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF (SENC)

Les sociétés par actions qui sont des associées d’une société en nom collectif (SENC) peuvent bénéficier de la ­DPE du ­Québec sur les revenus provenant d’une ­SENC qui respecterait les critères du nombre d’heures travaillées et payées.

Pour illustrer ces règles, prenons l’exemple d’une société dont la fin d’année serait fixée au 31 décembre 2017. Prenons comme hypothèse que nous sommes déjà à la fin de l’année financière.

EXEMPLE PRATIQUE

Votre client, la société ­ABC inc., dont la fin d’année est fixée au 31 décembre, aura eu quatre employés au cours de son exercice 2017 (supposons ici que nous sommes à la fin de l’année financière).

1 Jean est l’actionnaire de la société. Au cours de l’année, il s’est versé un salaire de 20 000 $ ainsi qu’un dividende de 30 000 $. Comme l’année a été très occupée, ­Jean n’aura pas eu la chance de prendre de vacances.

2 Martine a travaillé à temps partiel au cours de l’année pendant 50 semaines, et ce, à raison de 20 heures par semaine. Elle a eu droit à deux semaines de vacances payées.

3 Paul, un employé clé de la société, a quant à lui travaillé 45 heures par semaine durant une période de 30 semaines mais n’était alors payé que pour 35 heures. Durant le reste de l’année, il a travaillé pendant 18 semaines à raison de 25 heures hebdomadaires, tout en étant payé pour l’équivalent de 35 heures.

4 Nicole, pour sa part, n’a travaillé que durant 20 semaines à raison de 35 heures par semaine. Le reste de l’année, elle a profité d’un congé payé, le tout prévu avec son employeur dans le cadre d’une entente négociée.

À la lumière de ces informations, le nombre d’heures admissibles pour ­ABC inc. serait comptabilisé ainsi :

  • Jean : peu importe son mode de rémunération, il peut considérer un maximum de 40 heures par semaine en raison de son rôle d’actionnaire de la société. Son total sera donc de 2 080 heures (40 x 52).
  • Martine : les heures admissibles seront de 1 000 (20 x 50). Les heures comprises durant une période de vacances payées ne sont pas admissibles. Il en serait de même pour les journées de maladie, par exemple.
  • Paul : dans son cas, il faudra tenir compte de 40 heures par semaine durant les 30 premières semaines, et ce, même si ce dernier en aura travaillé 45 en réalité. Pour les 18 semaines restantes, il faudra considérer 25 heures réellement travaillées, le tout pour un total de 1 650 heures.
  • Nicole : le total d’heures admissibles sera fixé à 35 heures pendant 20 semaines pour un total de 700. Les heures payées mais non travaillées ne peuvent être considérées dans le calcul.

Au final, le total des heures admissibles pour ­ABC inc. sera de 5 430 et l’entreprise ne pourrait donc pas profiter de la pleine ­DPE de 3,8 %, mais plutôt d’une ­DPE réduite à 3,04 %. Son taux d’imposition global pour 2017 serait donc fixé à 19,26 % (10,5 % au fédéral et 8,76 % au ­Québec).

Même si ces règles peuvent paraître complexes à appliquer, en pratique, très peu de sociétés devraient être touchées. En effet, pour beaucoup de vos clients, il y a fort à parier que la situation est limpide. Soit les sociétés comptent moins de trois employés tout au long de l’année et n’atteignent pas le minimum des 5 000 heures, soit elles comptent plus de 4 employés à temps plein et respectent alors clairement les 5 500 heures nécessaires pour profiter de la pleine ­DPE.

Ainsi, seules les sociétés qui se situent entre les deux vous demanderont une attention particulière et probablement un peu plus de travail administratif.

Jean-François ­Blanchette, ­CPA, ­CGA, M. Fisc., associé, ­Blanchette ­Lasselle ­CPA, s.e.n.c.r.l.


• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2017 de Conseiller