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En tant que conseiller, vous avez probablement parmi votre clientèle bon nombre d’entrepreneurs exerçant leurs activités commerciales avec une société par actions (­ci-après la « société »). Ces derniers ­sont-ils au courant de leurs obligations :

1. de posséder un « livre de minutes » pour leur société ?

2. de tenir à jour ce « livre de minutes » ?

La ­Loi canadienne sur les sociétés par actions et la ­Loi sur les sociétés par actions (Québec), notamment, l’exigent. Avant toute chose, il faut vérifier si votre client entrepreneur constitué en personne morale possède un « livre de minutes », où se retrouvent les statuts de constitution de sa ­société, les ­procès-verbaux et résolutions des administrateurs et actionnaires, le règlement intérieur et plusieurs autres documents, pour n’en nommer que ­quelques-uns.

Dans l’éventualité où il n’en détient pas, votre client peut contacter une entreprise qui se spécialise dans la création de « livres de minutes » ou communiquer avec un conseiller juridique. Outre le fait que ce soit obligatoire, avoir un tel registre à jour montre son sérieux aux prêteurs lors d’une demande de financement et est nécessaire lors de la vente d’actions.

DES RÈGLES À SUIVRE

Si votre client en a un, il faut ensuite s’assurer que ledit « livre de minutes » est à jour.

Toute société faisant affaire au ­Québec doit se conformer aux obligations annuelles de publicité découlant de la ­Loi sur la publicité légale des entreprises.

La ­Loi sur les sociétés par actions du ­Québec ainsi que la ­Loi canadienne sur les sociétés par actions prévoient notamment que les actionnaires doivent adopter les états financiers de la société présentés par le conseil d’administration lors d’une assemblée annuelle des actionnaires. ­Celle-ci sera ensuite suivie d’une assemblée générale du conseil d’administration. Cette dernière doit être tenue annuellement, suivant la préparation et production des états financiers.

Par exemple, une société constituée en personne morale le 1er janvier 2015 qui a un exercice financier se terminant le 31 décembre de chaque année doit avoir rédigé des résolutions tenant lieu d’assemblées annuelles pour les années fiscales terminant en 2015, 2016 et 2017, lesquelles seront insérées au « livre de minutes ».

Une autre obligation est de déposer annuellement une déclaration de mise à jour annuelle au ­Registraire des entreprises du ­Québec (REQ) et/ou un rapport annuel à ­Corporations ­Canada, pour les sociétés de juridiction fédérale. Ne pas s’en acquitter peut avoir plusieurs conséquences, dont la dissolution de la société.

EN PRATIQUE 

Bien qu’il s’agisse d’obligations légales, de nombreux entrepreneurs ne s’y conforment pas, croyant à tort que cela n’a pas d’importance.

Par exemple, si vous conseillez à votre client de vendre son entreprise, par la vente des actions qu’il détient dans la société ou de ses éléments d’actif, l’acheteur voudra prendre connaissance du « livre de minutes » de l’entreprise. Ce dernier est censé répertorier ce qui s’est passé durant toutes les années d’existence de la société et refléter sa situation actuelle.

Votre client entrepreneur se verra donc obligé de le mettre à jour en peu de temps, afin de ne pas faire avorter une possible transaction ni de lui nuire. Il devra ainsi encourir des frais élevés afin qu’un conseiller juridique se mette rapidement à la tâche.

L’obligation de tenir un « livre de minutes » à jour prend également tout son sens dans le cadre d’une demande de financement. Ici encore, les institutions financières vont vouloir le consulter. S’il n’est pas à jour, cela peut retarder l’obtention du financement, ce qui peut être fatal lors d’une transaction.

Il en est de même lors d’une vérification par les autorités fiscales. Le « livre de minutes » de la société pourra servir à comparer et valider les informations inscrites aux états financiers, notamment en ce qui a trait à la détention des actions et aux déclarations de dividendes, s’il y a lieu.

Il peut également être essentiel dans le cadre d’un litige visant la responsabilité personnelle des administrateurs. Étant donné que les autorités fiscales octroient des délais très serrés pour fournir la documentation exigée, il est préférable d’avoir un livre à jour afin de le soumettre pour vérification. D’autant plus qu’elles pourraient accorder moins d’importance à un « livre de minutes » reconstitué lors de la vérification qu’à un livre tenu à jour régulièrement.

Les obligations mentionnées ­ci-dessus s’appliquent également, sous réserve de quelques ajustements, à tout entrepreneur détenant une société de personnes ou ayant une fiducie, cette dernière devant posséder un « livre de fiducie ».

Il importe donc de s’assurer que votre client entrepreneur tienne son « livre de minutes » à jour et qu’il respecte ses obligations envers le ­Registraire des entreprises du ­Québec et/ou ­Corporations ­Canada. Il peut également communiquer avec un conseiller juridique pour plus de renseignements.

fireshot-capture-16-modifier-larticle-conseil_-http___www-conseiller-ca_pme_wp-admin_post-phpMe Chanel Alepin et Me Florence Derouet sont avocates chez ­Alepin Gauthier Avocats Inc.

Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2018 de Conseiller.