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Vous êtes-vous récemment laissé tenter, en naviguant sur Facebook, par un « aimez et partagez » la publication pour gagner un souper au nouveau resto du coin ? Ou bien avez-vous participé à une campagne « grattez pour obtenir un rabais » à la quincaillerie ? Ces jeux ou concours publicitaires semblent anodins et mis en place pour le plus grand plaisir de la clientèle, mais leurs bénéfices sont multiples pour les entreprises qui les utilisent, malgré plusieurs restrictions et obligations légales.

UNE STRATÉGIE D’AFFAIRES

L’objectif classique d’un concours publicitaire est évident : attirer la clientèle et influencer ses choix pour qu’elle privilégie certains produits et services. Par exemple, la personne qui désire son café matinal aura certainement plus envie de l’acheter chez ceux qui lui font courir la chance de gagner une voiture plutôt qu’au dépanneur. Il sera ainsi possible pour l’entreprise utilisant cette stratégie de voir augmenter son chiffre d’affaires.

Il s’agit de la même technique lorsqu’une entreprise offre un rabais mystère, qui par défaut nécessitera un achat pour être applicable. Autre bénéfice : le concours convaincra parfois le consommateur de dépenser une plus forte somme, considérant le rabais qui s’appliquera sur ses achats.

Avec l’arrivée des médias sociaux, toutes sortes de nouvelles stratégies de fidélisation de la clientèle sont apparues, certaines plus ou moins permises. Par exemple, des commerçants de tout ordre sollicitent maintenant leur clientèle avec les fameux concours « aimez et partagez » sur Facebook, alors que les règles d’utilisation du réseau social précisent que ce genre de pratique n’est pas autorisée.

Également, les technologies de l’information facilitent l’organisation de concours permettant de récolter certaines informations personnelles, telles que courriel et date de naissance. Des attentions personnalisées deviennent alors possibles, par exemple un rabais durant le mois de fête du consommateur.

JEU ET LÉGALITÉ

La créativité de l’entrepreneur dans la conception de son concours se voit limitée par les balises établies dans le Code criminel. Par exemple, le gagnant d’un concours ne peut être déterminé uniquement par le hasard. C’est en raison de cette restriction que, bien souvent, une question d’aptitude est posée dans les concours, par exemple une question d’habileté mathématique.

La question d’aptitude doit cependant être un véritable facteur dans l’attribution du prix. La Ville de Montréal l’a appris à ses dépens lorsque la Cour suprême du Canada a tranché en 1970 qu’un concours organisé par la Ville était illégal. En effet, Montréal avait mis sur pied un tirage pour lequel elle avait requis que les gagnants répondent à des questions portant sur la ville afin de mériter leur prix. Or, les réponses à ces questions étaient rédigées… au dos des billets de tirage. Le simple exercice de mémorisation n’a pas suffi pour rendre le concours légal aux yeux des tribunaux.

AUCUN ACHAT REQUIS

Vous êtes-vous déjà demandé l’origine de la mention « aucun achat requis » dans un concours publicitaire  ? C’est une autre exigence du Code criminel : celui-ci interdit qu’un versement d’argent ou de toute autre contrepartie soit requis pour participer à un concours, que le concours fasse appel uniquement au hasard ou qu’il combine hasard et adresse.

Certains concours réussissent à contourner habilement cette condition. Ainsi, les « rabais mystères » qui ne sont octroyés que lorsque le client effectue un achat sont légaux, puisqu’en pratique, les règlements de ce genre de concours n’obligent pas le client à acheter. On fait plutôt mention que le rabais mystère est seulement valide lorsque dévoilé ou obtenu à la caisse, au moment de l’achat. Le client a alors le choix de ne pas compléter la transaction, ce qui implique donc qu’il aura participé au concours sans faire d’achat.

LE RÔLE DE LA RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

La Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d’amusement (ci-après la « Loi sur les loteries ») soumet les organisateurs de concours publicitaires à des obligations auprès de la Régie des alcools, des courses et des jeux (la « RACJ »). Ces obligations ne concernent donc que les concours qui sont accessibles aux résidents du Québec.

La Loi sur les loteries définit un concours publicitaire de la façon suivante : « Un concours, un système de loterie, un jeu, un plan ou une opération dont le résultat est l’attribution d’un prix et dont le but est de promouvoir les intérêts commerciaux d’une personne au bénéfice de laquelle il est tenu. » Autant dire que toute forme d’arrangement fait dans le but de promouvoir des intérêts commerciaux et dans lequel des clients peuvent gagner de plus ou moins gros prix est un concours publicitaire.

Si la valeur totale des prix offerts dans le cadre du concours publicitaire est supérieure à 100 $, les organisateurs de concours publicitaires sont assujettis à diverses obligations, notamment :

  • Transmettre à la RACJ le formulaire « Avis de tenue d’un concours publicitaire » dûment complété avant la tenue du concours;
  • Payer à la RACJ, en même temps que l’envoi de l’avis, des droits calculés en fonction de la valeur des prix offerts.

Il faut savoir également que si la valeur des prix offerts dépasse 2 000 $, de nouvelles règles s’ajoutent, en particulier relativement à la publication des règlements du concours.

DROITS À PAYER À LA RACJ

Les droits à payer à la RACJ, lorsque les prix sont offerts exclusivement à des participants du Québec, équivalent à 10 % de la valeur totale des prix remis. Toutefois, certaines précisions s’imposent.

D’abord, il est facile de calculer la valeur des prix remis lorsqu’il s’agit d’un concours précis pour faire tirer certains articles. Toutefois, lorsque les prix sont de nature « instantanée », c’est-à-dire qu’on n’en connaît pas la valeur à l’avance, le calcul exact n’est pas possible. Il faut alors faire une estimation basée sur une étude de marché ou sur un historique de vente passé. À la fin du concours, un calcul plus exact sera effectué et, advenant une disparité de l’avis de la RACJ, il peut y avoir ajustement de droits.

Il est à noter également que lorsqu’il existe une catégorie minimale de prix garanti pour chaque participant, c’est-à-dire lorsque les participants les plus malchanceux gagnent tout de même quelque chose, par exemple un rabais de 5 %, la valeur de cette catégorie n’est pas incluse dans le calcul des droits à payer.

CE QUE DIT LA LOI SUR LA CONCURRENCE

En vertu de la Loi sur la concurrence, les organisateurs d’un concours publicitaire doivent, entre autres choses, divulguer convenablement et loyalement les informations importantes du concours aux participants, incluant par exemple le nombre et la valeur approximative des prix. Cette obligation se voit remplie dans la plupart des grands concours, puisque la RACJ requiert dans certains cas la publication de leurs règlements. Il faut cependant s’assurer que toutes les informations requises par la loi sont bien là.

Les sanctions que peuvent entraîner la violation de l’une ou l’autre des obligations prescrites atteignent un montant maximal de 750 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 10 000 000 $ dans le cas d’une personne morale, et ce, seulement s’il s’agit d’une première offense. C’est le tribunal qui fixe cette sanction sur demande du commissaire du Bureau de la concurrence.

CONCLUSION

De nombreuses obligations et particularités doivent être considérées lors de l’évaluation de la légalité d’un concours publicitaire. Chaque concours étant particulier, d’autres lois que celles discutées dans ce texte peuvent s’appliquer. Entre autres, la Loi canadienne anti-pourriel n’est pas à négliger puisque de plus en plus de communications par courriel suivent la participation à un concours. L’âge, le lieu de résidence du participant, tout comme ses droits d’auteur dans certains cas, doivent être pris en compte. Il faut donc être vigilant et s’assurer de la légalité de chaque concours, au cas par cas.

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Florence Derouet, Alepin Gauthier Avocats Inc.

Cet article contient de l’information juridique d’ordre général et non exhaustive et ne doit pas remplacer les conseils juridiques dispensés par un avocat qui tiendra compte des particularités de votre situation.


• Ce texte est paru dans l’édition de février 2017 de Conseiller