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­Est-ce une bonne idée de magasiner une résidence secondaire ces ­jours-ci? ­Très certainement. Il est toujours agréable d’explorer le marché du chalet ou de la maison de campagne, pour le plaisir de se rincer l’œil. ­Est-ce que c’est un bon placement? ­La réponse est moins claire.

On a tous déjà entendu parler de la règle des 3 S au sujet du marché immobilier : site, site et site ! Le plus important lorsqu’on magasine une maison est donc son emplacement. Le même principe s’applique au marché de la résidence secondaire, à une différence près : il est beaucoup plus fragile et sensible aux fluctuations économiques.

Se procurer un chalet relève plus de la consommation discrétionnaire que de la consommation de base. Les acheteurs sont moins nombreux ; un chalet est un bien de luxe. Dans l’éventualité d’un resserrement économique, les dépenses discrétionnaires sont les premières que l’on coupe. Dans de telles conditions, on remarquera une augmentation de l’offre et une diminution de la demande. Pourrait s’ensuivre une chute plus ou moins marquée des prix en faveur des consommateurs. C’est ce qu’on appelle un marché d’acheteurs.

Il suffit de consulter le site ­Realtor.ca pour très vite se rendre compte que les inventaires sont extrêmement hauts, car il y a plus de vendeurs que d’acheteurs. À titre d’exemple, la région de ­Charlevoix, la terre de mes ancêtres et la plus belle région au monde (je suis un peu chauvin), affiche plus de 500 maisons à vendre (en excluant le pied du mont ­Sainte-Anne, qui en offre plus de 200). Il y a plus de 100 maisons disponibles à l’Île d’Orléans. Pour les acheteurs intéressés à ces dernières, il faut savoir qu’elles sont hors de prix, qu’il existe des contraintes de protection du patrimoine et que l’accès est limité à un seul pont.

Plus près de ­Montréal, la région des ­Laurentides affiche plus de 2 000 demeures à vendre. Les ­Cantons-de-l’Est en offrent près de 2 000, on en retrouve plus de 200 à ­Bromont seulement et plus de 750 autour du lac ­Memphrémagog… Énormément de choix pour les acheteurs.

Le vendeur devra, de son côté, s’armer de patience et de flexibilité et ajuster son prix à la réalité du marché, à moins que sa maison ne se trouve sur un site exceptionnel. C’est le retour du balancier.

COMMENT ABORDER CE MARCHÉ?

Une fois l’acheteur informé des circonstances actuelles, il veut toujours aller de l’avant? ­Voici comment l’aider à faire un choix.

Région : on peut tracer un cercle d’un rayon correspondant au temps de déplacement que l’acheteur juge acceptable entre sa résidence principale et son chalet. Les résidents de ­Montréal devraient prévoir plus de 2 h 30, sinon ils risquent de se retrouver à ­Laval ou ­Brossard…

Milieu : si la demeure est située sur le bord de l’eau, il faut y aller avec précaution et songer aux répercussions de la crue des eaux, aux règles de protection des berges et de l’environnement, etc.

De façon générale, l’acheteur doit évaluer s’il a assez de temps pour profiter d’une deuxième demeure. Des conjoints qui ont de jeunes enfants et qui travaillent tous les deux de 40 à 50 heures par semaine ne seront ­peut-être pas disponibles assez souvent pour que cet achat en vaille la peine.

PARLONS D’ARGENT 

Le budget, maintenant. Comment financer une telle dépense? L’acheteur d’une résidence secondaire aurait d’abord intérêt à avoir complètement remboursé le prêt hypothécaire sur sa demeure principale. Il pourra ainsi utiliser les fonds propres disponibles sur ­celle-ci pour financer son achat. Bon à savoir : il est parfois impossible d’obtenir un prêt hypothécaire pour certains chalets lorsqu’ils ne sont pas habitables à l’année.

Si prêt il y a, son remboursement ne devrait pas excéder 35 % du revenu disponible (25 % pour se loger et 10 % à des fins discrétionnaires). Pourquoi ce 10 %? ­Lorsque qu’un ménage se procure un chalet, c’est souvent pour y passer une bonne partie de ses vacances. Ce 10 % sert donc à payer les dépenses qui y sont reliées, comme les denrées, sorties et loisirs.

Pour acquérir un chalet de 350 000 $, un ménage devra débourser au moins 70 000 $ comptant (20 % de mise de fonds) et contracter un prêt de 280 000 $. Sur une période de 25 ans, à un taux de 4 % (à titre comparatif, ­Multi-Prêts présente un taux fixe fermé sur 3 ans de 3,04 %1), un tel prêt requiert des mensualités de 1 500 $, ou 18 000 $ par an. Ajoutons 5 000 $ de taxes foncières pour la résidence secondaire aux 6 000 $ pour la résidence principale et on obtient des dépenses de 29 000 $ par an. Un ménage qui dispose d’un revenu de 83 000 $ et d’une mise de fonds de 70 000 $ peut donc penser acquérir un tel chalet à condition d’avoir préalablement remboursé la dette reliée à sa résidence principale. Quant à l’appréciation future de la résidence secondaire, il faudra voir.

Autre exemple. Supposons qu’un acheteur a fait l’affaire de la décennie et que la valeur du chalet qu’il s’est procuré à 350 000 $ s’apprécie de façon substantielle au cours des années suivantes, de telle sorte qu’il obtient 150 % en 10 ans… Le chalet vaut désormais 525 000 $. Il ne faut pas oublier que le gain en capital net de 175 000 $ ainsi obtenu serait imposable. En considérant les règles présentement en vigueur, on parle d’une facture fiscale de 43 750 $, laissant tout de même un gain net de 131 250 $.

Mais ne rêvons pas trop en couleur, ce scénario demeure fort peu probable… ­Il est à noter qu’il existe des options à explorer en pareille situation afin de réduire les incidences fiscales d’une telle transaction (désignation d’une résidence principale, etc.).

Un chalet, c’est aussi une deuxième maison et tous les travaux d’entretien qui viennent avec… ­Si le consommateur n’est pas bricoleur, pourquoi ne pas tout simplement louer plutôt qu’acheter? ­Après tout, quatre mois au pied des pentes avec la petite famille ne coûteront que de 8 000 à 10 000 $ pour l’hiver, sans les soucis relatifs à l’entretien des lieux ni le caractère éphémère de la possession d’un tel actif.

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Sylvain B. Tremblay, ­Adm.A., ­Pl. Fin., est ­vice-président, ­Gestion privée à ­Optimum ­Gestion de placements.

1 En date du 21 mars 2018.


• Ce texte est paru dans l’édition d’avril 2018 de Conseiller.